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sont ici. Tout va bien au magasin. C’est très agréable pour nous. » Un Allemand, à qui son propriétaire messin demandait s’il n’allait pas s’en aller, répondait : « Comment pensez-vous que je vais m’en aller à cette heure ? L’Allemagne est un mauvais séjour, et puis, après tout, mieux vaudra être du côté qu’on paie que du côté qui paie. »

Ce qui est évident, c’est que le congé à l’Allemagne parait, aux Allemands mêmes, définitif. « Ce peuple, écrit un Allemand, nous a toujours détestés. »


Inutile de dire que la contre-partie est fournie par les Français.

Le soldat est charmé avec une forte nuance d’étonnement, « sidéré, » comme écrit l’un d’eux, devant l’accueil enivrant ; il est ébloui par le spectacle, mais cent fois plus par l’hospitalité cordiale qui suit et prolonge l’ « entrée triomphale. » Mais il est, — tant il a cru qu’au sujet de la « fidélité de l’Alsace-Lorraine », on lui « bourrait le crâne, » — stupéfait parfois, et soudain il conçoit une vraie fureur, cette fois non plus contre les bourreurs de crâne, mais bien contre ceux qu’un journaliste appelait les « débourreurs, » les incorrigibles sceptiques, les coupables pessimistes qui vaticinaient avant et pendant la guerre.

Le poilu a cependant, dès l’abord, été flatté d’être parmi les privilégiés qui allaient, les premiers, entrer dans les provinces retrouvées. « Vive la France ! Nous sommes fiers d’être désignés pour faire l’entrée en Alsace. » Et tout de même le voilà joyeusement surpris. « Je m’attendais bien à voir les Alsaciens en joie, mais je n’aurais jamais cru à des manifestations semblables ! » « La population est folle de joie... J’ai été dix fois porté en triomphe ; c’est fantastique. » Et quelle réchauffante hospitalité ! « Ici on voudrait nous donner chacun sa chambre. Ce n’est pas possible, mais du moins tout s’ouvre pour nous recevoir. » « Un accueil pareil est particulièrement sensible à nos hommes qui viennent des lignes. La cordialité alsacienne panse les plaies, efface les souffrances. » — « Les souffrances endurées depuis trois ans sont oubliées par l’accueil que l’on reçoit. » « Je puis vous assurer que cette première journée paie largement les quatre années