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souvent de nos jours sans grande raison, lui appartient surtout comme poète lyrique.

Donc il faut le lire.


I

Les grands Italiens du XIXe siècle s’en sont bien avisés. Ils l’ont lu comme il doit l’être. On possède des notes d’Alfieri sur une grande partie des poèmes ; elles débordent de l’enthousiasme le plus pur. Foscolo, Leopardi admiraient tout autant. Leopardi rêvait de faire goûter même au peuple les vers de Pétrarque, et c’est dans ce dessein de vulgarisation qu’il en avait publié une édition.

De nos jours, le grand Giosuè Carducci en a donné une, lui aussi, et qui est excellente [1]. Ce n’était pas à lui qu’on devait demander s’il faut lire Pétrarque. Cependant il n’est pas absolument encourageant. Il raille fort les intentions populaires de Leopardi. Pétrarque aurait été bien fâché lui-même de plaire à la foule ! Mais Carducci voulait que du moins l’élite put le lire.

L’admiration extatique des grands Italiens d’hier n’a pas été suivie toujours docilement par la génération d’aujourd’hui. Il y a eu récemment des essais de littérature antipétrarquesque. Vous pourriez trouver des livres où l’on démontre que notre poète n’avait point de talent, point de bon sens, et pas même la vulgaire probité. Nous avons connu aussi en France ces courants de dénigrement.

Je ne crois pas que le courant eût grande force. En tout cas, il est arrivé que la guerre l’a bien détourné. L’exaltation heureuse du patriotisme tourne au profit des gloires de la patrie. Les luttes, les douleurs, les espérances de l’Italie ont remis en toute lumière les grands poètes qui sont les créateurs de sa conscience nationale. Autant que Dante, Pétrarque en a profité ; et comment n’acclamerait-on pas celui qui a le premier poussé le cri : Italia mia ! Comment ne serait-elle pas sur toutes les lèvres, la grande chanson où il maudit les bandes allemandes ? Dans la solennelle prière qui la commence, le poète patriote supplie le « Maître du ciel » de tourner ses regards vers cette terre sacrée, qui est à lui, où Rome vit encore, où a coulé le sang des martyrs. Cette terre d’Italie est envahie de

  1. Florence, Sansom, 1899 (en collaboration avec S. Ferrari).