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font « les sots. » Ces beautés mortelles qu’il cherche, sont ensevelies dans la terre depuis bien des ans. Mais Dieu a bien voulu permettre qu’elle reprit, pour venir consoler en songe son ami, l’apparence de ses formes périssables. Elles n’ont pas péri pour toujours. Un jour viendra où réellement elle les reprendra. Alors il la reverra, telle qu’aux jours de la terre, toujours la même, plus que jamais belle, plus que jamais chaste, et pleine de pitié.

Elle se fait douce, aimable, presque coquette. Le cœur de l’amant qui l’écoute s’est un peu apaisé. Pourtant, il ne se sent pas encore au delà des larmes. Il pleure. Elle s’approche, et elle essuie son visage. Elle soupire de le voir si triste encore ; et même elle se fâche un peu ; et elle lui dit des mots « qui fendraient des pierres ! »

Ainsi finit cette Chanson qui est une pure merveille [1]. C’est un dernier dialogue d’amour humain, mais transporté au ciel, et transfiguré, ainsi qu’aux yeux de la foi, le sera pour les siècles des siècles, notre humanité.


XVIII

Le poète n’a pas fini sur ces mots. Il a voulu que son livre fût clos par des pensées et des paroles plus uniquement chrétiennes, par une grande effusion de pénitence et d’espérance. Comme notre Villon, comme en nos jours le pauvre Lélian, comme tous les pécheurs vraiment contrits, il s’est prosterné aux pieds de la Mère de miséricorde. La Chanson Vierge belle est une rare expression de pensées profondes, et mérite une lecture attentive et méditée. J’en cite ici tout juste assez pour donner à ce récit une conclusion.

La Chanson est une grande confession. Le pénitent considère que sa vie n’a été qu’une erreur pleine d’angoisse ; il dit :


Depuis que je suis né sur les bords de l’Arno,
j’ai marché d’un côté tantôt, tantôt d’un autre.


Il a perdu ses pas, ses paroles, ses larmes, son cœur, dans l’amour de beautés périssables. La Dame trop aimée ne fut pas

  1. C’est une de celles que Giosuè Cantucci aimait le plus absolument.