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de l’humanité accompagne, comme une brise sur la mer, le navire qui le ramène. Le pacte de la Ligue des nations, au moins dans la rédaction proposée, paraît ne pas avoir rencontré en Amérique l’accueil auquel M. Wilson s’attendait ; ou peut être, au contraire, s’attendait-il à l’accueil qu’il a rencontré, et ce serait justement pourquoi il aurait fait le voyage. Si M. Taft lui a loyalement apporté son appui, le sénateur Lodge, chef du parti républicain, a pris, dans l’opposition, une altitude non moins nette. « Tout en exprimant le sincère désir de voir les nations du monde s’unir pour obtenir la paix et le désarmement général, dit le texte de sa « résolution », le Sénat estime que la Constitution de la Société des nations, sous la forme que lui donne présentement la Conférence de la paix, ne doit pas être acceptée par les États-Unis. » Comme les pouvoirs du Sénat en fonctions expiraient le 4 mars, le débat et le vote ont été renvoyés. Ils ne viendront pas de sitôt, M. Wilson ayant jugé qu’il n’est pas « de l’intérêt d’une bonne gestion des affaires publiques de convoquer en session spéciale » le Congrès, qui serait le nouveau Congrès, où les républicains entreront en force. Mais d’ores et déjà M. Lodge a produit les signatures de 37 membres du nouveau Sénat qui adhèrent à sa résolution, et ce nombre, dépassant le tiers du nombre total des sénateurs, pose l’hypothèse que le Sénat américain, parce qu’il n’accepterait pas dans sa forme le pacte de la Ligue des nations, pourrait ne pas ratifier le futur traité où ce pacte sera incorporé.

Il est essentiel de le faire observer : le principal motif de l’opposition que la Ligne des nations, ou plus exactement, le projet de pacte de la Ligue des nations, soulève aux États-Unis, c’est qu’on trouve qu’il engage trop. De ce côté de l’Océan, le motif principal de nos hésitations, c’est que nous trouvons qu’il ne garantit pas assez. Nous n’avons pas à nous immiscer là-bas dans la politique intérieure américaine, non plus que nous n’aurions à supporter qu’on vînt ici faire de la politique intérieure américaine. Mais ce qui nous touche, nous regarde. M, le Président Wilson n’a plus besoin de se prodiguer en discours éloquents pour nous convaincre de la beauté de son dessein et nous y convertir. Peut-être est-il plus sévère pour les gouvernements des peuples dont il veut le bien que ne le sont ces peuples eux-mêmes, mais il a raison lorsqu’il dit que « l’âme du monde s’est éveillée, et que l’âme du monde doit être satisfaite. » Le tout est de donner à cette âme une satisfaction réelle et durable, qui ne se transforme pas trop vite en une trop grande déception. Nous sommes, tels que nous sommes, les fils d’une vieille patrie,