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LE FRONT DE L’ATLAS

AVEC
LE GÉNÉRAL LYAUTEY
SUR LA HAUTE MOULOUYA


I. — DANS LA FORÊT DE CÈDRES

Derrière le général Lyautey, dont le fanion flottait sur la voiture de tête, nous avions quitté, le matin, la charmante Rabat, la côte et la brise de mer. Autour de nous, depuis des heures, s’étendait une campagne brûlée, où la moisson, faite depuis longtemps, ne laissait plus dans les plis du terrain qu’un reflet doré de paille et de hauts chardons argentés, mêlés aux verdures métalliques du triste palmier nain. Pays dur, austère, sans grâce, riche, et qui semble pauvre, peuplé, et qui semble vide. Si l’on n’est pas agriculteur, si l’on ne suppute point en passant la valeur des terres noires ou rouges dans lesquelles nos autos s’enfoncent, si l’on ne voit pas en pensée de puissantes machines labourer d’immenses espaces que jamais charrue n’a touchés, — il ne reste qu’à s’abandonner, sous le voile qui vous défend de la poussière et du soleil, au plaisir engourdi de brûler en vitesse ces étendues monotones réservées à d’autres rêves qu’à ceux de l’imagination... Ou bien encore, pour trouver de l’intérêt à ce morne pays, il faut y avoir fait colonne, avoir planté sa tente près de cet arbre rabougri, avoir été attaqué dans ce ravin avoir attendu sur ce plateau