et les coups de théâtre du début de la campagne ; c’était un drame sombre, une forme d’angoisse concentrée. On était en 1916. L’année de Verdun commençait.
Au printemps, les zouaves partirent pour Verdun. Au mois de juin le capitaine de Clermont-Tonnerre, ayant renouvelé ses démarches, réussit à les suivre et obtint de rejoindre à la cote 304 la 13e compagnies
Dans un des petits livres les plus précieux de la guerre, le Carnet intime d’Amédée Guiard, — livre d’une sainteté incomparable, merveilleux manuel d’oraison et de perfectionnement mystique, — je trouve cette phrase remarquable. Guiard vient de raconter un menu fait où son amour-propre a été piqué au vif. « La moralité que j’en tire, écrit-il, c’est d’abord qu’à la guerre les occasions de se distinguer ne se multiplient pas, ne s’offrent pas ; il faut courir après, les saisir. » Je rapproche ces lignes d’un passage du Journal d’Amérique où Clermont-Tonnerre note une conversation de dîner. Ce sont ses propres paroles qu’il rapporte. « Ce n’est pas, écrit-il, faire un grand éloge d’un homme que de dire « Il aurait pu être une canaille, et il a été honnête. » L’homme qui fait son devoir ne mérite aucun éloge, il est une canaille s’il y faillit : il 7 n’est digne d’éloges que s’il fait plus que son devoir. »
On se figure en effet que la guerre confère par elle-même une vertu, qu’il suffit de rester à son poste pour être un héros. Non, on n’est pas héros sans l’avoir fait exprès. Affaire de chance ! entend-on dire. Les chances ne. s’offrent pas toutes seules, sans qu’on les cherche. Il y a dans l’acte héroïque une part de choix, de liberté, quelque chose qui vient de l’homme. On se place dans les conditions où l’héroïsme devient possible. Partout ailleurs, on peut faire son devoir en conscience et obéir à la consigne ; on n’est héros qu’à condition d’en faire plus qu’il ne faut.
Notez d’ailleurs que ce choix n’est nullement impulsif. On parle d’héroïsme inconscient ; psychologie bien pauvre ! Un Clermont-Tonnerre sait ce qu’il fait. îl pèse, il raisonne son acte, il délibère avec lui-même. Écoutons-le s’en expliquer avec son père :