Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/666

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
662
662
REVUE DES DEUX MONDES.

faveur des armées alliées, il demanda la peine de mort contre huit accusés : Baucq, Mlle  Thuliez, Miss Cavell, Severin, la Comtesse de Belleville, Herman Cappiau, Mme  Bodart, Albert Libiez. Des peines sévères étaient requises pour les autres accusés. Aucun d’eux n’a pu oublier avec quelle curiosité haineuse les officiers allemands qui emplissaient la salle tenaient les yeux fixés sur les condamnés à mort, afin de saisir l’expression de leurs visages. Ils jouissaient vraiment du spectacle. La tenue des condamnés fut parfaite : les femmes qui venaient d’entendre la terrible sentence prononcée contre elles, ne donnèrent aucune marque de faiblesse. Les officiers allemands en furent pour leurs frais. Pour ma part, j’avais fait le sacrifice de ma vie. Toutefois un espoir me restait : le réquisitoire n’était pas le verdict.

Après la défense plus ou moins écoutée, et plus ou moins longue des avocats, chacun des accusés put prendre sa propre défense et celle de ses coaccusés. Plusieurs parlèrent très longuement, quinze à vingt minutes avec des redites et de longues précisions ; on ne les interrompit pas.

Vint le tour de miss Cavell. Elle descendit dans l’amphithéâtre où chacun de ses coaccusés avait pu prendre la parole et dit : « Quand j’ai commencé à m’occuper de cette affaire… » Stœber l’interrompit violemment : « C’est bien, vous nous l’avez déjà dit, allez à votre place. » Devant cette brutale injonction, miss Cavell s’inclina et remonta les degrés qui la séparaient de sa place.

À trois heures du soir, on nous reconduisit à Saint-Gilles, toujours séparés ; le verdict nous était annoncé pour le lundi ou le mardi suivant.

Le dimanche soir, je venais de me coucher et d’éteindre le gaz de ma cellule. Il était 8 heures : le coucher sonnait à 8 h. 40. Le guichet par lequel on nous passait notre nourriture s’ouvrit et un gardien m’ordonna de rallumer le gaz et de ne plus l’éteindre de toute la nuit. Sur ma réponse que je ne pouvais dormir avec de la lumière. « Ordre de la Kommandantur » répliqua-t-il ; il me passa des allumettes et ferma le guichet, après avoir constaté que la clarté était suffisante. Je me recouchai donc, mais toutes les cinq minutes, la sentinelle de garde ouvrait le judas de ma porte, inspectait l’intérieur de la cellule et passait pour revenir cinq minutes plus tard. Je mau-