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Miss Cavell et la Comtesse de Belleville entendirent leur condamnation avec le même calme.

Le verdict prononcé, M. Baucq voulut prendre la parole : « C’est inutile, lui répondit-on, il n’y a plus rien à faire, il est trop tard. » Et on l’emmena ; je demandai alors à miss Cavell si elle ne faisait pas un recours en grâce. « Non, me répondit-elle, c’est inutile, il n’y a rien à faire : je suis Anglaise… » donnant à entendre par ces derniers mots qu’elle était convaincue de mourir pour la cause anglaise et victime de la haine des Allemands pour l’Angleterre.

Un officier supérieur allemand s’approcha d’elle, lui dit quelques mots et l’emmena… Nous ne devions plus la revoir.

On me laissa regagner ma cellule en compagnie de la Comtesse de Belleville, et nous résolûmes de solliciter la faveur d’être réunies pendant ces quelques heures qui nous restaient à vivre. Rencontrant un officier : « Monsieur, lui dis-je, puisque nous devons mourir ensemble, ne pouvons-nous pas passer ces dernières heures ensemble ? » Il accéda à ma demande, et je quittai la cellule 32 que j’occupais pour venir au 22, cellule de la Comtesse de Belleville. Miss Cavell occupait le 23. Au moment d’entrer au 22, je demandai à l’aumônier militaire allemand si miss Cavell ne pouvait se joindre à nous. « Non, me répondit-il : elles sont trois. » — Or, miss Cavell était seule une heure auparavant : je n’ai jamais su quelles compagnes lui furent adjointes, sitôt la condamnation.

Nous n’entendîmes aucun bruit dans la cellule de miss Cavell, pas plus dans la soirée que la nuit, ni le matin. Il nous était impossible de communiquer avec elle comme nous l’avions fait avec d’autres, par les interstices que les tuyaux de chauffage laissaient dans la muraille (nous pouvions, par ce moyen, parler de cellule à cellule) ; nous étions trop étroitement gardées : le gaz était allumé, le judas restait ouvert, et la sentinelle renouvelait l’exacte surveillance de la nuit précédente. À un moment où nous nous étions assises dans un coin, elle vint nous ordonner de nous placer de manière à pouvoir être toujours en vue. Je compris alors pour quelle raison on nous avait fait garder la lumière la nuit précédente. La soirée se passa dans l’attente de l’annonce de notre exécution. L’aumônier savait que nous étions catholiques, la comtesse et moi, et nous avions demandé d’être avisées de telle sorte que nous pussions