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CONDAMNÉE À MORT PAR LES ALLEMANDS.

des années précédentes ; toutes les prisonnières, malgré les rancunes accumulées, montrèrent, dans le triomphe, la même dignité qu’elles avaient eue dans le malheur. Nous quittâmes la prison par petits groupes, après avoir fendu une foule nombreuse qui s’était massée pour assister à notre sortie. Pas de cris, on s’écartait sur notre passage, on nous indiquait la route de la gare (il me fut rapporté par un groupe de prisonnières retournées de Cologne à Siegburg par erreur, dans la soirée, qu’après notre départ, la populace envahit la prison et y rafla tout ce qui restait : vêtements, draps, couvertures). Nous étions environ 600 prisonniers et prisonnières au départ de Siegburg. Des marins et soldats nous accompagnaient, un ruban rouge à la boutonnière.

En gare de Cologne, nous trouvâmes les quais couverts de fusils et de cartouchières. Chaque soldat arrivant en gare était désarmé ; aux officiers, on enlevait insignes et décorations.

Les révolutionnaires nous invitèrent à passer la nuit dans la gare de Cologne, nous promettant de nous accompagner le lendemain, après avoir repris à Siegburg nos papiers et notre argent : ils disaient que la frontière était gardée par des soldats fidèles, et qu’il était donc imprudent de tenter de la passer avant le lendemain. Nous nous concertâmes et décidâmes de gagner Herbestal le soir même. Nous y arrivâmes à onze heures et demie. On nous parqua dans deux vastes salles d’attente, mais le lendemain, 8 novembre, à huit heures du matin, on nous rassembla tous dans une même salle ; des Prussiens, baïonnette au canon, gardaient les issues : nous étions à nouveau prisonnières. Peu après, on installa, sur les toits des abris situés devant la gare, des mitrailleuses dirigées de notre côté, nous crûmes qu’elles étaient placées là pour éviter la rébellion, quand ordre serait donné de rentrer en Allemagne. Mais rien de semblable ne se produisit. Une heure plus tard, on enleva les mitrailleuses, et tout rentra dans le calme. Nous n’avions mangé depuis la veille que les quelques provisions emportées à la hâte par des prisonnières prévoyantes. Vers quatre heures du soir, on nous annonça qu’on allait nous donner de la soupe, et organiser un train pour Liége. Peu après, on nous fit ranger quatre par quatre, puis escortées de sentinelles, baïonnette au canon, traînant péniblement nos bagages, on nous fit marcher une demi-heure vers l’intérieur de l’Allemagne. Nous tournions