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Revue : à toute heure, on l’appelait ; et, sur toutes les questions, il était comme préparé. Il était indispensable avec une modestie bien sage : il mourut et l’on dut et l’on put se passer de lui.

A côté de ces jeunes gens, un Gustave Planche est un grand homme. Il eut, vivant, une superbe renommée, qui n’a pas duré longtemps après lui. Buloz avait pour lui beaucoup d’estime, une amitié que Mme Marie-Louise Pailleron, fidèle, continue à la mémoire de cet ancien polémiste. Planche attaquait le romantisme ; ou, du moins, il attaquait « le romantisme à outrance : » autant dire, le romantisme. Il conseillait à Victor Hugo de « renoncer à l’amour des mots pour l’amour des idées : » il perdait son temps. Il représentait, paraît-il, « le bon sens. » Mais il avait le bon sens, il faut croire, déraisonnable, s’il engageait un poète, et Victor Hugo, à ne point tant aimer les mots ; en outre, s’il ne voyait pas que les mots sont tout pleins d’idées. Les romantiques l’ont détesté, l’ont raillé. Il négligeait son vêtement, les élégances et les grâces de la vie, et n’aimait que la littérature, mais non pas celle de son temps. Alors, il était en colère, d’un bout de l’année à l’autre, avec une sincérité excellente, puis avec le talent d’un écrivain. Contre Angelo, tyran de Padoue, il fulmina : et l’occasion n’était pas mauvaise. Hugo, dans sa préface, le désigne sans le nommer : « Ne pas oublier l’envieux, ce témoin fatal, éternel ennemi de ce qui est en haut, espion à Venise, eunuque à Constantinople, pamphlétaire à Paris... » Voilà ce qu’on risque, âne point aimer Angelo. Et Planche écrit à François Buloz : « Faites savoir à Hugo, ou du moins à ses amis, que j’ai le plus profond mépris pour les injures de sa préface. Les espions de Venise, les eunuques de Constantinople et les pamphlétaires de Paris n’ont rien de commun avec moi. Si la colère n’était pas une faiblesse, je lui écrirais pour lui dire combien il s’avilit en m’injuriant ainsi. » Et c’est Planche qui a raison : mais à quoi bon ?... Planche avait raison très souvent, et en pure perte. Mme Marie-Louise Pailleron, qui vient de le lire et de l’étudier, découvre en lui « un homme à qui la vie a toujours été cruelle et qui est resté fier, indépendant et pauvre ; consciencieux dans son travail, convaincu de son rôle ; ses idées, élevées et belles, furent sa passion, sa folie ; il n’eut aucune ambition personnelle, point d’envie, point d’intérêt... » Planche avait une façon d’aimer ceci, et non cela, et de le dire assez crûment, qui lui valut des amis et des ennemis : ceux-ci, comme il arrive, témoignaient leur sentiment plus haut que ceux-là ; on l’aimait avec discrétion, la haine a plus d’entrain ; Ce qui lui manqua, ce furent les indifférents, où l’on