Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/698

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE DRAMATIQUE


Comédie-Française : Mangeront-ils ? Drame en 2 actes, en vers, de Victor Hugo. — Théâtre Sarah-Bernhardt : La jeune fille aux joues roses, pièce en 3 actes et 9 tableaux, par M. François Porché. — Théâtre Antoine : Le Bourgeois gentilhomme.


Nous avons en France le répertoire dramatique le plus riche qui soit dans aucune littérature : nous le laissons dormir, avec cette insouciance de prodigues que nous avons tellement tort de prendre pour une élégance ! Combien de chefs-d’œuvre qui ne reparaissent sur nos scènes qu’à de longs intervalles ! Combien de comédies charmantes, enfouies dans les volumes poussiéreux du répertoire de second ordre, et à jamais écartées des feux de la rampe ! Si pourtant il est des pièces écrites seulement en vue de la lecture, un démon malin nous pousse à choisir celles-là, de préférence à toutes les autres, pour leur octroyer les honneurs de la représentation quelles avaient d’avance répudiés. C’est ce qui vient d’arriver pour Mangeront-ils ? Victor Hugo avait pris soin de nous avertir ; il nous avait mis en garde contre la tentation ; un projet de préface pour le Théâtre en liberté commençait ainsi : « Des courtes pièces qu’on va lire, deux peut-être, la Grand’Mère et Margarita, pourraient être représentées sur nos scènes, telles qu’elles existent. Les autres sont jouables seulement, à ce théâtre idéal que tout homme a dans l’esprit. » L’auteur de Mangeront-ils ? avait déclaré la pièce injouable : on pouvait donc parier en toute assurance qu’elle serait jouée.

Le Théâtre en liberté est, dans l’œuvre de Victor Hugo, le retour nostalgique du poète vers ce genre du drame auquel il n’avait jamais complètement renoncé. On sait comment, dépité par l’échec des Burgraves, il s’était interrompu de faire concurrence à Dumas père et Anicet Bourgeois. Cependant la mode faisait mine de revenir à la comédie lyrique : les proverbes de Musset n’étaient plus seuls