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avec un gouvernement allemand, avec le gouvernement allemand ; c’est-à-dire d’encourager le maintien du Reich, du système d’États, de la Confédération, de l’Empire ; c’est-à-dire d’aider l’Allemagne à sauver, pour le moins, son unité. L’occasion s’offrait de défaire l’Allemagne, en refaisant les Allemagnes ; de reprendre, dans la trame ourdie par Bismarck, le fil de l’histoire et de la politique françaises. Il n’y avait qu’à admettre qu’on avait devant soi un gouvernement prussien, un gouvernement bavarois, un gouvernement saxon, etc., et qu’à engager la conversation avec eux, à ne l’engager qu’avec eux. Alors auraient repris de la vigueur les anciens souvenirs, et en auraient pris les nouvelles tendances à constituer ou reconstituer une Saxe, une Bavière, etc., distinctes de la Prusse : et qui sait ? le projet du docteur Preuss, ou tel ou tel autre projet conçus dans l’effondrement militaire et social de l’Allemagne auraient peut-être été autre chose qu’un plan fort beau sur le papier. De toute manière, si l’on n’avait pas su saisir cette occasion de coopérer à briser l’unité allemande, il fallait ne pas se prêter à la renforcer, ni souffrir qu’elle se renforçât, et que l’Allemagne vaincue grandît par l’apport des Allemands d’Autriche. Comment l’empêcher, demandera-t-on, prisonnier qu’on était du principe napoléonien « des nationalités » et de la formule wilsonienne de « la libre disposition des peuples ? » Pratiquement, d’ailleurs, il n’y en avait aucun moyen direct. C’est possible ; mais il y en avait plus d’un moyen efficace, quoique indirect ; sans renier le principe des nationalités, sans faire violence à la libre disposition des peuples, on eût probablement pu, par des concessions et des attentions que l’on n’avait pas à chercher bien loin, soutenir les résistances, accentuer les divergences, détourner la libre disposition des populations autrichiennes de les porter vers l’Allemagne, et les retourner vers le Danube.

Passons encore condamnation. Mais cette Allemagne, qui restait debout, et qui même se redressait, la plus élémentaire précaution commandait, pendant qu’on le pouvait, de lui enlever ses armes. Il fallait, pendant qu’on la tenait sous le genou, casser les dents de la bête enragée. Puisque, de siècle en siècle et plusieurs fois par siècle, elle a troublé la paix de l’Europe, jusqu’à jeter, la dernière fois, le monde entier dans une guerre épouvantable, il fallait la réduire sûrement à la paix en la mettant totalement hors d’état de songer à la guerre. De toutes les garanties qu’on pouvait, qu’on devait prendre contre elle, — et il y en avait bien d’autres, — la plus forte, la seule complète, était le désarmement de l’Allemagne, à laquelle il suffisait