Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/775

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’EFFORT FRANÇAIS

NOTRE INFANTERIE

I

C’était l’hiver de 1917, aux écoles d’infanterie de la 4e armée, que j’avais été admis à visiter. Sur le polygone de Bouy, blanc de neige, hérissé de glaçons, un régiment exécutait un simulacre de combat. Cent officiers de tous grades regardaient, groupés autour du chef de bataillon qui avait monté la manœuvre et la commentait. Il s’agissait d’essayer sur le terrain un mécanisme nouvellement inventé pour mieux réussir ce qu’on appelle le « passage de lignes, » qui est l’art de lancer en avant, au cours d’une action offensive, une troupe fraîche et de lui faire traverser, sans mélange des unités, la troupe déjà engagée.

Visiblement, les cent officiers n’avaient d’yeux et d’oreilles que pour cette seule nouveauté. Quant au reste, ni l’accoutrement des soldats, ceux-ci armés de tremblons et ceux-ci de couteaux de chasse, et ceux-ci, les pourvoyeurs du fusil-mitrailleur, harnachés de bretelles de cuir qui s’adaptent au casque, en sorte qu’ils ressemblaient à des samouraïs, ni les gerbes des lance-flammes qui, jaillissant soudain des tranchées, faisaient fondre au loin la neige et répandaient dans l’air glacé la tiédeur d’un bref et sinistre printemps, ni les évolutions bien rythmées des groupes de grenadiers, pas un trait de l’étrange spectacle ne tenait la moindre place dans le commentaire du chef de bataillon ni dans les propos de ses auditeurs : pour eux comme