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consigne invariable, où l’art de la guerre semblait enclos. Et comme tout combat d’infanterie se ramène nécessairement à combiner, mais selon des formules très diverses, le mouvement et le feu, la formule par nous préconisée, comme la plus appropriée à la fougue de notre tempérament national, c’était la plus brutale, celle qui voit dans le mouvement le moyen d’action essentiel, dans le feu le moyen d’action secondaire. En ce système d’idées, qu’est le fusil ? Surtout un porte-baïonnette. Qu’est la mitrailleuse ? Rien que l’engin du combat défensif, donc du genre de combat que nous aurions, selon toute vraisemblance, le moins à pratiquer. Dans le combat offensif, la mitrailleuse n’est qu’un embarras, vu la difficulté de l’installer vite et de la ravitailler en munitions ; et c’est pourquoi notre infanterie n’était dolée que de deux mitrailleuses par bataillon.

Or, dès le 14 août 1914 en Alsace et ,en Lorraine, dès le 19 et le 20 août en Luxembourg et en Belgique, les forces françaises s’ébranlèrent en effet pour de vastes actions offensives, et presque aussitôt voici que nos armées, ces régiments que naguère nous avions vus partir en si bel arroi de leurs casernes et s’acheminer sans bravade, mais pleins de confiance, fièrement, vers les wagons fleuris, voici que nos cinq armées, nos armées magnifiques, d’un bout à l’autre du front immense, retraitaient à la fois, douloureuses, livrant à l’invasion le sol de la pairie.

Alors, quand éclatèrent en même temps le sinistre communiqué : « De la Somme aux Vosges... » et les cris d’allégresse de l’Allemagne et le gémissement, sincère ou hypocrite, des neutres : « Pauvre France ! » et que nos bourgades les plus lointaines s’emplirent de réfugiés, aussitôt des voix murmurèrent chez nous de savantes explications de notre détresse ; et souvent depuis, en chaque période sombre, leur réquisitoire contre les erreurs et les défaillances de notre préparation à la guerre fut repris et précisé.

De ces griefs, beaucoup et des plus graves concernent notre infanterie. Osons les redire : il convient que tout Français les regarde en face.

Pourquoi, demande-t-on, notre doctrine de l’offensive ? Alors que notre Règlement du 12 juin 1875 sur les manœuvres de l’infanterie n’avait respiré que prudence, et que ses auteurs,