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disputons pas la priorité de cette découverte scientifique, — les inondent de leurs ignobles gaz asphyxiants. Ailleurs, sévit la guerre de mines. Au bois de Bolante, au Four de Paris, à la Cote 108 (près de Berry-au-Bac), presque encerclée, et qui sautait, — c’était chose bien connue, — deux fois par semaine, les fantassins écoutent, l’oreille collée au sol, sonner le pic des sapeurs ennemis, ou bien, attendant que les nôtres aient achevé de tramer leurs réseaux, comptent les heures et les minutes jusqu’à l’instant : un bruit obscur qui ondule, le terrain qui se boursoufle, les postes d’écoute qui croulent, un nuage de terre et de chaux qui jaillit, sur quoi s’abattent ensemble les feux des deux artilleries, sur quoi s’élancent les fantassins allemands et les nôtres ; l’entonnoir s’est creusé, et jour et nuit ; à coups de grenades, ils s’en disputeront les lèvres. Maison du Passeur, Cabaret Korteker, dix fois perdus, dix fois reconquis, ouvrages de Marie-Thérèse, de Fontaine-Madame, de la Fille-Morte, dans le mystère de la forêt d’Argonne, où se concentrait la triple horreur de la guerre de mines, de la lutte par les gaz, de la lutte par l’artillerie de tranchées ; promontoires des Eparges, du Linge, de l’Hartmannwillerskopf, qui, sur le moutonnement de l’immense bataille, dressaient leurs cimes toujours embrasées : c’est en ces lieux sacrés, aux noms déjà lointains, que nos fantassins révélèrent à l’Allemagne une vérité jusqu’alors ignorée : qu’elle ne devait pas redouter seulement la fougue des Français, mais encore, et bien plus, la ténacité paysanne des Français.

Cependant, grâce aux accroissements de l’armée britannique, grâce aussi aux « Marie-Louise « de notre classe 15, le Haut-Commandement a pu retirer de la ligne de feu des troupes nombreuses. En quelques semaines de repos et d’entrainement à l’arrière, elles retrouvent leur cohésion, que la vie des tranchées avait éparpillée : régiments, divisions, corps d’armée reprennent figure d’ « unités. » On les regroupe en vue d’une grande action offensive : combinée avec une action Franco-britannique en Artois, elle sera tentée le 25 septembre 1915 en Champagne sur un front de vingt-cinq kilomètres, de la vallée de la Suippe à la lisière Ouest de la forêt d’Argonne.

L’espoir est grand : il est que l’élan de nos troupes nous portera d’un premier effort jusqu’aux batteries de l’adversaire, au delà des lignes fortifiées qu’il nous oppose, et que nos soldats