Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/920

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que cela dans la vie d’un peuple ? — essayons d’envisager les temps plus lointains, au delà des années de liquidation et à partir du moment où l’équilibre sera retrouvé, la stabilité revenue. Et tâchons d’apercevoir ce que cet avenir nous réserve quant à la charge de notre dette de guerre.

Cette charge est effroyable. Le capital, à la fin de 1918, en dépassait 130 milliards, sans compter la dette viagère, et en plus de nos 34 milliards de dette antérieure ; et si la guerre est finie, nous ne sommes pas au bout des emprunts de guerre : le Trésor aura encore bien des dizaines de milliards à demander au crédit. Voici mieux, ou pis, en Angleterre : on estime qu’au 31 mars 1919, la dette du Royaume-Uni s’élèvera à 7 milliards et demi de livres (187 milliards et demi de francs), y compris les 706 millions de livres de la dette ancienne. Chiffres inouïs et fantastiques, que l’imagination la plus folle n’aurait jamais osé envisager il y a seulement cinq ans, alors qu’on n’estimait qu’à un peu moins de 300 milliards le capital national de la France, et celui du Royaume-Uni à 15 milliards de livres (375 milliards de francs). Certes, nous saurons porter le fardeau, à l’exemple de l’Angleterre d’aujourd’hui, et de l’Angleterre d’il y a un siècle : mais à quel prix ?

Cette dette de guerre, il est à vrai dire de notre droit d’en faire subir la charge, en tout ou en partie, à nos ennemis. L’équité stricte demande que l’agresseur porte, avec la responsabilité, les conséquences de son agression, et qu’il indemnise le vainqueur des dépenses qu’il lui a imposées comme des pertes qu’il lui a infligées. « Le plus terrible compte de peuple à peuple est ouvert, » a dit M. Clemenceau. Et M. Lloyd George : « Il faut que l’Allemagne paie le coût de la guerre jusqu’à la limite de sa capacité de payer. » A la veille de la guerre, l’Allemagne se vantait d’être la plus riche des nations européennes ; c’est du moins ce qu’un de ses financiers en vue. qui depuis lors a paru, sans succès d’ailleurs, sur la scène des affaires à Berlin, le docteur Helfferich, s’est évertué à démontrer dans un gros ouvrage publié en 1913, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de Guillaume II. Aujourd’hui, vaincue, elle va sans doute tâcher de se faire passer pour la plus pauvre ; et la seconde imposture ne sera pas pire que la première. Il est certain que, malgré l’appauvrissement dû à la guerre, elle possède encore de grosses ressources qui peuvent