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de 9 000 personnes dans le commerce et l’industrie ; son vestiaire a secouru plus de 174 000 personnes.

La conception directrice de M. Paul Peltier fut que l’assistance limitée à une aumône risque d’être inopérante. De cette idée découlent deux principes qui en sont le corollaire : l’obligation au travail et l’hospitalisation en commun. L’assistance limitée au don d’une somme d’argent, d’un vêtement, et même l’hospitalisation en commun a paru au fondateur du Secours de guerre, très supérieure à la vie en garni avec toutes les promiscuités déprimantes et antihygiéniques qu’elle entraîne, et qui ont conduit parfois tant de réfugies à la tuberculose et à une dégradante mendicité plus ou moins déguisée.

A ces risques l’hospitalisation collective peut permettre de parer, si elle est pratiquée par des hommes de cœur, d’esprit pratique et de volonté. Par la réduction des frais généraux, elle permet d’abaisser le prix de la vie dans des proportions considérables[1] et, par suite, de réduire l’effort de la charité publique et privée. Sans elle, le malheureux livré à lui-même se voit rebuté de toutes parts, renvoyé de bureau en bureau par des fonctionnaires indifférents que son cas « ne concerne pas. » L’hospitalisation collective, au contraire, le place sous la protection d’une administration bienveillante et éclairée, accessible à toute heure, qui le guide, l’encourage, abrège ses démarches, et trouve une solution à chaque cas.

Dès lors, les obstacles s’aplanissent. La famille est nombreuse, qu’importe ? Une pouponnière se chargera des plus petits pendant que les aines iront à l’école ou suivront des cours d’apprentissage. On trouvera sur place les vêtements et le linge, des bains-douches trop souvent ignorés des classes pauvres, un dispensaire, une bibliothèque, un office du travail, et cent autres ressources rassemblées pour ceux qui souffrent, par ceux qui ont l’impression de la souffrance. L’hospitalisation collective est enfin un puissant moyen de contrôle pour l’État que trop souvent les habiles dupent au détriment des timides. Elle facilite les enquêtes, prévient les supercheries et les doubles emplois qui, chaque année, grèvent de plusieurs millions, le budget de la charité. Saint-Sulpice est surtout le refuge de ceux dont la situation exige une solution provisoire, mais immédiate : réfugiés et rapatriés, démobilisés, orphelins, etc… Ce sont, pour la plupart,

  1. Le prix d’une journée d’hospitalisation au Secours de guerre à l’heure présente ne dépasse pas 3 fr. 70. Elle comprend la nourriture, le couchage, les soins médicaux et hygiéniques, les secours en linge. Le prix de la journée calculé depuis 1914 est de 1 fr. 94.