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non seulement premiers plénipotentiaires, mais, en réalité, seuls plénipotentiaires, ayant vocation de fixer les destinées de l’univers, et voici, aussi fidèlement que leur propre discrétion permet de la retracer, l’histoire de leurs délibérations où ils enferment, afin qu’il éclose mieux, le germe de toute histoire future.

Le mercredi 26 mars, le public recevait, par l’intermédiaire de la presse anglaise, et d’abord du Daily Mail, le « faire-part » suivant : « Convaincu de la nécessité de terminer sans délai l’élaboration du premier traité de paix, le Conseil suprême des Alliés a pris une décision de la plus haute importance. On croit savoir, en effet, que le Président Wilson, MM. Clemenceau, Lloyd George et Orlando ont l’intention de procéder immédiatement à l’élaboration du traité de paix préliminaire auquel seront incorporées toutes les décisions prises jusqu’à présent. Il est probable que le Conseil des Dix suspendra ses séances pendant tout le temps que les quatre plénipotentiaires poursuivront leurs conversations. On espère que le traité de paix sous sa forme définitive sera prêt dans le courant de la semaine prochaine. » La presse américaine, le New York Herald en tête, confirmait dans les détails l’intéressante nouvelle, et ajoutait : « Le traité de paix qui sortira des délibérations des quatre hommes d’Etat constituera très probablement un instrument beaucoup moins ambitieux que celui que se proposaient certains négociateurs dont le rêve était de réorganiser d’une façon définitive les affaires du monde entier et de ses habitants. Mais ce document réunira les éléments essentiels à l’établissement d’une paix satisfaisante qui permettra au monde de reprendre sa vie normale. » Puis le New York Herald répétait : « Entre temps, les séances du Conseil des Dix seront probablement suspendues. » Ainsi le Conseil suprême des Alliés n’était plus un Conseil suprême ; au-dessus de lui, dorénavant, il y avait un plus suprême Conseil, ce qui signifiait nettement qu’il était déchu de sa souveraineté, si, aux termes mêmes de la définition du célèbre jurisconsulte John Austin, la souveraineté consiste à être habituellement obéi et à n’avoir pas de supérieur humain. Les Quatre, d’autorité, se superposaient aux Dix, qui s’étaient imposés aux Cent, avant qu’entre eux les Cinq, pour achever la série, vinssent s’interposer.

Surtout, qu’on n’aille pas s’imaginer qu’il s’agissait uniquement de l’excroissance d’un organe nouveau ; c’était bien plus ; c’était « la méthode » qui serait entièrement nouvelle. Le premier changement concernait la forme des débats. Les chefs de gouvernement se rencontreraient seuls, non point au quai d’Orsay, mais tantôt chez l’un,