Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

débarrassant de lui dès le 26 septembre pour l’interner en Allemagne.

Et puis notre épiscopat a parlé, et sa voix est devenue celle de la pairie elle-même, qui fait retentir à travers toute la Belgique un Sursum Corda. Avec quelle stupeur l’ennemi a écouté le mandement de Noël de Mgr Mercier, cardinal-archevêque de Malines, pendant que tous les cœurs belges tressaillaient de fierté à ces accents qui vengeaient l’honneur de la pairie calomniée et dénonçaient sans crainte les crimes de nos oppresseurs ! M. von Bissing n’a eu que la ressource d’interdire au clergé la lecture de ce mandement, en faisant croire mensongèrement qu’il avait pour cela le consentement du cardinal. Ce grossier stratagème a été déjoué aussitôt ; le cardinal a insisté, et le gouvernement allemand en Belgique a eu l’humiliation de se voir formellement désobéi par l’immense majorité du clergé du diocèse de Malines. Les courageux évêques de Liège et de Namur ont parlé le même langage ferme et fier à leurs ouailles, et si celui de Tournai ne les a pas imités, c’est qu’il a succombé en partie aux mauvais traitements que les soldats allemands n’ont pas craint d’infliger à ce saint vieillard. Fidèles aux exhortations réitérées des évêques, le clergé belge n’a cessé de soutenir le moral de la nation : du haut des chaires de vérité, il a laissé tomber les paroles qui vengent l’innocence persécutée et flétrissent l’injustice victorieuse ; le drapeau national, interdit dans les rues, a flotté librement dans nos églises, et les accents de la Brabançonne retentissaient à l’issue de nos grand’messes au milieu des larmes d’émotion et de joie.

La nation belge tout entière a gardé cette attitude d’irréprochable correction et de courageuse dignité : elle s’est interdit les violences et les manifestations tapageuses, mais elle accueillit avec mépris les avances de nos maîtres et elle fit le vide autour d’eux. Ils voulaient laisser croire à l’étranger que la situation était redevenue normale en Belgique, et l’abstentionnisme obstiné du public belge donnait un éclatant démenti à cette mensongère allégation. La vérité, c’est que tacitement, spontanément, sans accord préalable, la nation organisait autour d’eux la grève sacrée. Les rares journaux qui paraissaient encore depuis leur entrée cessèrent de paraître pour ne pas supporter leur censure ; les Universités, qu’ils auraient voulu rouvrir, restèrent fermées ; les Académies, qu’ils ont