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le Temps, dans la ligne politique qu’il a suivie, s’est constamment appliqué à n’encourager aucune visée annexionniste. » Il y a, dans cette note, un mélange si intime du gouvernement et de la rédaction du journal qu’il suffit d’être tant soit peu au courant de leur personnel pour en soupçonner aisément l’inspirateur et sans doute l’auteur. Dès lors, s’esquissait l’orientation de la Conférence, dans la question du bassin de la Sarre. Le surlendemain, le même organe annonçait : « Le Conseil des Quatre continuera cet après-midi à examiner la formule préparée pour le bassin de la Sarre par le Comité composé de Mme André Tardieu, Headlam Morley et Haskins. Cette formule, que les trois membres du Comité proposent d’un commun accord, donne, croyons-nous, toute garantie à la France en ce qui concerne l’exploitation des houillères, sans prêter d’ailleurs à aucune équivoque. » Puis, après l’esquisse, le dessin 11 avril : « Les deux conférences tenues hier par les quatre chefs de gouvernement ont permis, semble-t-il, de se rapprocher de l’accord sur le statut du bassin de la Sarre. On sait que l’exploitation économique du bassin houiller a été reconnue à la France: d’abord, comme une compensation à la destruction de nos mines du Nord et du Pas-de-Calais; ensuite, comme gage des paiements que l’Allemagne aura à effectuer à titre de réparations ou d’indemnités. Il a été admis en principe, hier, que la France, outre le droit d’exploiter les puits, posséderait sur cette région certains pouvoirs administratifs. Le bassin de la Sarre constituerait une sorte d’État neutre, comme le Luxembourg, sans lien politique avec l’Allemagne, et sur lequel la France aurait un droit de regard. » Venait enfin, comme Nota bene : « Cette solution a été chaleureusement appuyée par M. Lloyd George. »

Dans ce même moment, alors que les Quatre commençaient à s’entretenir du bassin de la Sarre, avec l’intention d’aboutir à résoudre une question qui ne laissait pas que d’être épineuse par l’apparente contradiction des faits les mieux établis et de quelques-uns des principes magistralement énoncés, éclatait une grève où il serait naïf de ne pas reconnaître la main de l’Allemagne. Heureusement qu’à cette main allemande s’opposa tout de suite une main française. Le général Andlauer, commandant le corps d’occupation de Sarrebrück, fit aussitôt afficher une proclamation militarisant tout le personnel des mines, déclarant le chômage acte de rébellion, et ordonnant la reprise du travail immédiat, sous menace, pour les réfractaires, d’être traduits devant un conseil de guerre. Il fit plus : comme un cinquième seulement des ouvriers des mines de la Sarre