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s’accordant pas avec les principes de M. le Président Wilson, avec les vérités subitement révélées à l’humanité du XXe siècle et les idées ou les phobies qui dominent dans certains milieux, les frontières politiques dont on aurait pu imaginer tel ou tel tracé meilleur. Mais qui dit « frontière politique » ne dit pas nécessairement du même coup et dans la même mesure « frontière militaire. » L’équation n’est pas mathématique : l’identité n’est pas forcée, et l’on peut très bien concevoir une frontière militaire distincte de la frontière politique. La preuve qu’on en peut concevoir la pensée, c’est qu’en fait, on en a connu. Si notre frontière militaire, comme nous le demandons, comme nous l’espérons, était portée et maintenue au Rhin, en avant de notre frontière politique, l’Allemagne ne serait pas fondée à s’en plaindre, parce qu’elle-même a donné l’exemple. De 1815 à 1867, la place de Luxembourg a été occupée par une garnison prussienne au nom de la Confédération germanique, le pays de Luxembourg étant rattaché politiquement au royaume des Pays-Bas ; et, après la constitution du Luxembourg en grand-duché neutre, la mainmise de l’Allemagne sur les chemins de fer « avait à peu près la même signification, ou des avantages stratégiques évidents... »

Par quoi se marquerait cette frontière militaire projetée pour ainsi dire en avant de la frontière politique, boulevard et défense non de la France, mais de l’Occident, en territoire demeuré allemand D’abord par la formation, entre les frontières politiques de la Belgique et de la France et le Rhin, d’une sorte de Marche nous séparant de l’Allemagne ; marche placée autant que possible sous un régime politique spécial, mais de toute façon organisée de telle sorte que les forces militaires allemandes en soient entièrement exclues, sans forteresses et sans garnisons, sans camp d’instruction ou de concentration, totalement démilitarisée, totalement « amilitarisée. » Ensuite, à la limite orientale de cette marche, le Rhin redevenu, au moins au point de vue militaire, ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : une frontière. La seule efficace, à elle seule nécessaire et suffisante : « Par sa direction Sud-Nord perpendiculaire aux grandes lignes d’invasion, par le volume de ses eaux et la rapidité de son cours, ainsi que par la largeur de son lit, le Rhin est une des barrières naturelles les plus difficiles à franchir, même pour des armées modernes. » En bordure de cette limite, « les trois places fortes qui ont été conservées par l’Allemagne depuis 1871, Mayence, Coblentz et Cologne, avaient un rôle tout particulièrement offensif et formaient, toutes les trois, grande tête de pont sur la rive gauche. Les