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sans chance de réussir, et préjudiciable aux intérêts de la République.

Telles étaient, au commencement d’août, les prévisions du comte d’Ormesson ; un mois plus tard, divers incidents venaient lui prouver qu’elles étaient fondées. Il apprenait à l’improviste que de Giers, appelé d’urgence à Péterhof, y avait été retenu par l’Empereur durant toute une journée. Etant lui-même à la veille de repartir pour aller assister à de grandes manœuvre s dans les environs de Brest-Litowsk, le souverain avait donné l’ordre à son ministre de l’y rejoindre sans délai. Giers n’avait donc pu s’entretenir que durant quelques minutes avec le chargé d’affaires de France, mais en réponse à ses questions il avait témoigné de ses bonnes dispositions et avoué spontanément que le rétablissement des relations diplomatiques sur l’ancien pied ne se ferait plus longtemps attendre. Il avait même invité l’ambassadeur Mohrenheim, qui faisait alors une saison d’eaux en Allemagne, à venir conférer avec lui, sa cure terminée. Bientôt après, Mohrenheim arrivait à Saint-Pétersbourg, très désireux de rentrer à Paris et de mettre un terme à une situation personnelle peu régulière, et résolu par conséquent à seconder avec énergie les efforts de M. de Giers. Il était maintenant évident que le dénouement attendu ne se ferait plus longtemps attendre.

On sait qu’il ne tarda pas à se produire et qu’au mois d’octobre le comte d’Ormesson eut la satisfaction d’annoncer à son gouvernement que l’Empereur avait donné l’ordre à Mohrenheim de rentrer à Paris et consentait à laisser revenir auprès de lui un ambassadeur de France. Ce résultat n’était pas dû seulement à la persévérance de Giers et à son habileté inspirée par les sentiments qu’il professait pour la France et dont à plusieurs reprises la diplomatie française a recueilli le témoignage, mais aussi à l’influence exercée sur l’Empereur par les événements qui se déroulaient en Europe et qui lui laissaient voir se liguer contre lui, et notamment de la part de l’Allemagne et de l’Autriche, des inimitiés qui s’étaient déjà manifestées contre la Russie au Congrès de Berlin. Devant la gravité des circonstances, il s’était décidé à sacrifier ses précédents griefs contre la France aux intérêts de son empire.

C’est ici le cas de faire remarquer que Laboulaye, durant toute sa mission, trouva chez M. de Giers un entier bon