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A la vérité, toute cette paix est en fonction de ce Pacte et de cette alliance.

Une question se pose sur toutes les lèvres et dans tous les esprits : Est-ce une bonne paix ? On l’a dit tout de suite très finement : c’est une paix mal proportionnée, « une paix trop douce pour ce qu’elle a de dur. » C’est une paix forte, avec plusieurs points faibles. Point faible, au titre des restitutions : elle ne nous rend qu’une Alsace amputée, une Lorraine imparfaite, nos frontières de 1870, et non nos frontières de 1814. Point faible, au chapitre des réparations : ce qu’elle nous délègue du bassin houiller de la Sarre serait suffisant, si le régime politique et administratif auquel il va être soumis n’était une boîte à surprises et peut-être une couveuse à conflits, et si d’abord une distinction fondamentale avait été faite entre la partie de ce bassin qui était comprise dans les limites de 1814 et celle qui était au-delà. Autre faiblesse : dans les évaluations de dommages, on n’a rien oublié, et l’on n’y est pas allé de main-morte. 125 milliards de provision ou d’acompte, c’est un chiffre, d’autant, plus qu’il n’épuise pas la dette ; mais sur quelles hypothèque provision, acompte et dette totale sont-ils gagés ? Sur le travail de l’Allemagne ? Mais, pour qu’elle travaille, il ne faut ni la surcharger, ni la surmener ; il faut qu’elle puisse acheter des aliments, des matières premières, qui seront payés par privilège : et nous voici dans un cercle vicieux. Point faible enfin, au chapitre des garanties. L’armée allemande sera réduite à 100 000 hommes, 4 000 officiers compris, engagés à long terme. Mais il restera une armée de 96 000 sous-officiers. Qu’on ne nous dise pas qu’on supprime les cadres, on les crée : il n’est pas, dans toutes les armées alliées ou associées, un militaire qui puisse en juger autrement. Et il n’est pas, dans toutes ces armées, un militaire qui ne pense que les conditions d’occupation de la rive gauche-du Rhin sont médiocres et manquent par avance leur but. Elles ne couvrent, dans le temps, que la moitié de leur objet, n’étant prévues que pour quinze ans, au maximum, avec décroissance, dans l’espace, de cinq ans en cinq ans, alors que l’exécution des engagements de l’Allemagne s’échelonne sur trente ans ; et ce n’est ni la faculté de retarder l’évacuation, ni le droit de reprendre l’occupation, qui les améliore notablement. À tout le moins eût-il fallu que la durée de l’obligation et la durée de la garantie fussent égales ; mais, à notre avis, c’eût été encore trop peu. C’eût été confondre « l’occupation militaire, » qui, de sa nature, est temporaire, en effet, avec « la frontière militaire, » qui, de sa nature, est perpétuelle. Une