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impartialité les raisons de notre querelle. » Or, aujourd’hui, date du premier anniversaire de la Rébellion de Pâques en Irlande, des citoyens américains de sang irlandais s’adressent au peuple américain, en s’appropriant à leur tour le langage jadis employé par le Congrès continental. Soucieux de réfuter la version anglaise et les faussetés qu’elle colporte au sujet de cette rébellion, nous vous plaçons sous les yeux les faits authentiques, afin qu’étant correctement informés, vous soyez à même d’apprécier en toute impartialité les motifs qui ont poussé les héros de la semaine pascale irlandaise à risquer, à perdre leur vie… En commémorant leur héroïsme, c’est à notre conscience d’Américains que nous obéissons, car les coups portés à la domination anglaise en Irlande ont tous été frappés au nom de la doctrine américaine du droit des hommes et de l’indépendance des peuples… Vous avez hautement annoncé, monsieur le Président, que l’Amérique entrait dans le conflit mondial pour travailler à l’affranchissement des petites non moins que des grandes nationalités. Il n’y a pas de petite nationalité qui ait plus longtemps souffert que l’Irlande, il n’y en a pas qui ait été plus impitoyablement traitée. Que l’Amérique s’arme donc pour la délivrance de l’Irlande ! Telle est l’instante prière de tout Américain qui a dans les veines du chaud sang rouge de Celte irlandais. »

On ne saurait être plus explicite. Ce que réclame cette pétition, rédigée par un vénérable magistrat de la Cour d’appel de New-York, le juge Goff, et volée à l’unanimité par les membres du Clan-Na-Gaël (Clan des Gaëls) et du Cumann-na-Bann (Conseil des femmes d’Irlande) c’est la guerre, certes, mais la guerre contre les Anglais. Le Président s’attendait-il à cette interprétation pour le moins originale de son message ?

Nous en devisons, ce soir, à table, avec le colonel Dunlap, dans un de ces jolis cottages de brique pourpre, enguirlandés de vigne vierge, que la libéralité du gouvernement américain fournit à ses officiers. Le colonel Dunlap commande un régiment de fantassins de marine, correspondant à nos « marsouins. » Il rentre de Porto-Rico, dont les habitants ont supplié les États-Unis de les prendre sous leur égide, et espère cingler sans tarder vers la France, où sa femme projette de se rendre de son côté pour se consacrer à la rééducation des aveugles.

— Oh ! — fait-il avec un haussement d’épaules, — le