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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/680

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séances, en donnant aux plus petits une importance légale disproportionnée à leur force réelle. Il fallut, pour parer à ce danger, se résigner à ne leur laisser qu’un rôle consultatif, confier aux grandes puissances les solutions qui intéressaient toute l’Europe et enlever au Congrès le caractère d’assemblée délibérative, pour en faire un simple lieu de rendez-vous destiné à faciliter les échanges de vues entre les divers plénipotentiaires. Restait à déterminer quelles seraient ces Puissances directrices. Les Alliés de Çhaumont (Angleterre, Russie, Prusse, Autriche) prétendaient faire survivre leur ligue au détrônement de Napoléon et prendre à eux seuls des décisions auxquelles les autres États n’auraient plus qu’à souscrire. On sait comment Talleyrand sut déjouer ce calcul, et les amener au cours de deux séances orageuses (30 septembre-8 octobre) à s’adjoindre les quatre autres signataires du traité de Paris (France, Suède, Espagne et Portugal) pour former une « commission préparatoire, » chargée d’ailleurs de rédiger de simples propositions.

Cette dernière concession ne représentait guère pour Talleyrand qu’une satisfaction de forme. En fait, le Congrès ne se réunit jamais en assemblée plénière ; secondé seulement par quelques commissions spéciales, le. « Comité des Huit » prit aussitôt et garda la haute main sur ses délibérations, comme le « Comité des Dix » à la Conférence de Paris. Lorsqu’en janvier 1815 l’urgence de certaines affaires lui eut imposé la nécessité de promptes décisions, il se concentra, par l’exclusion de la Suède, de l’Espagne et du Portugal, en un « Comité des Cinq, » dont l’activité rappelle celle du récent « Conseil des Quatre » chefs de gouvernement. Il reprit ensuite sa composition primitive, et ses membres signèrent seuls l’ « Acte final » du Congrès, formé d’ailleurs de la simple juxtaposition de traités particuliers. Ces tâtonnements successifs avaient eu pour effet de sensiblement ralentir l’activité de l’assemblée.

Les suites auraient pu peut-être en être évitées, ou au moins atténuées, par l’autorité morale d’un homme d’État assez qualifié pour remplir cet office de « dictateur diplomatique » dont nous avons vu récemment l’institution recommandée comme aussi utile que celle d’un généralissime militaire. L’idée en fut agitée à Vienne même. Metternich, le plus en vue des ministres dirigeants de la coalition, semblait au premier abord destiné par l’autorité de son titre comme par sa