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l’activité de ces institutions bat son plein : c’est le moment de regarder aux grands services qu’elles rendent.

On avait établi à Senlis une école pour le recrutement des officiers d’état-major ; - et dans chaque armée, après les écoles pour officiers subalternes, une école de chefs de bataillon. Chaque armée possède en outre des centres d’instruction pour hommes de troupe : écoles de mitrailleurs, de fusiliers-mitrailleurs, de grenadiers, d’agents de liaison. Le combat n’est plus la mécanique rudimentaire de 1914 ; une compagnie d’infanterie est devenue un assemblage complexe d’équipes de spécialistes, où le voltigeur, « l’homme-baïonnette, » ne compte plus guère. Il faut veiller à ce que ces spécialistes ne s’isolent pas dans leur spécialité, à les entraîner tous solidairement. De là un grand appel à leur intelligence ; de là, dans de vastes camps, des exercices d’ensemble multipliés, manœuvres de compagnie, de bataillon, de régiment, de division. D’une spécialité à une autre, et, de proche en proche, d’un régiment à un autre, l’esprit d’émulation fait son œuvre. A mesure que chacun comprend mieux sa tâche propre et la tâche d’autrui, chacun se fait plus fier de l’arme qu’il manie et du régiment où il sert ; un noble particularisme se développe, qui oppose les chasseurs aux zouaves, les tirailleurs aux coloniaux, les régiments à fourragère aux autres : demain on verra le 34e d’infanterie enlever le Plateau de Californie au cri de La Fourragère ! De plus en plus, parce qu’ils sont plus instruits, nos soldats comprennent l’effort de la patrie pour ménager leur sang : ils savent que, s’il leur faut mourir, ils mourront puissamment[1].

C’est là l’ouvrage et le bienfait des écoles du front, [tien de plus sujet à variation que les enseignements que l’on y donne. A la base de ces enseignements, il y a le labeur au jour le jour de techniciens sans nombre, sans cesse appliqués, dans les laboratoires ou sur les champs de bataille, à observer et à expérimenter. Le meilleur de leurs observations et de leurs expériences est périodiquement recueilli en des Instructions que le commandant en chef rédige et qui déterminent la doctrine des écoles. Quand on lit une de ces Instructions, si ordonnées et si précises, il semble qu’elle soit un code

  1. On attribue au général de Castelnau cette formule, bien digne d’une âme si forte.