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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/828

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celle de tout le reste des ouvrages de Bossuet, félicitons-nous que l’œuvre totale du plus parfait des prosateurs français et d’un penseur religieux si considérable nous soit donnée, enfin, d’une façon digne de lui et de la France.

Et si, par surcroît de bonheur, d’autres réparations, non moins longtemps attendues, se réalisaient ?… Voici que l’on songe à rééditer, avec le même souci d’authenticité, d’intégrité, d’exactitude, Bourdaloue et Malebranche[1]. On poursuit la publication des Mémoires de Richelieu et de ses Lettres. On pense à rassembler celles de Louis XIV. Mais comme les autres classiques les plus éminents ont déjà paru, et que les auteurs du second ordre, souvent plus piquants, avaient depuis longtemps bénéficié de la curiosité des fureteurs[2], finirons-nous donc, en ce XXe siècle, par « avoir » tout notre XVIIe ?

Ce ne sera pas trop tôt sans doute. Il ne faudrait pas que cela fût trop tard.

Ce n’est pas seulement pour la « gloire, » — quoique la conservation de la gloire littéraire d’une nation ne soit jamais une vanité ; — il y va encore, osons le dire, de plus vitaux intérêts. Dans l’énorme lutte présente, les attentifs ont mieux pu voir le prix de notre passé intellectuel, et ses bienfaits. Ce passé nous a valu ou des fidélités, ou des retours plus honorables encore. Or, les étrangers, qui parfois en connaissent, souvent en estiment mieux que nous les trésors, ne désirent que d’en connaître davantage, et ils s’étonnent un peu de notre insouciance à les répandre largement dans le commerce intellectuel du monde.

À nos érudits, par leurs publications savantes, de répondre à ce regret… Et à nous, biographes, critiques, historiens, aidés et assurés par des préparations documentaires dont l’absence ou l’insuffisance a si souvent paralysé ou stérilisé nos conjectures, à nous de travailler avec le propos délibéré, non pas sans doute de fixer ne varietur et sans appel, mais du moins d’établir aussi solidement que possible, soit la biographie

  1. Bourdaloue, par l’abbé Griselle, sous les auspices de l’Académie française, — Malebranche, par D. Roustan, professeur au lycée Louis-le-Grand, sous les auspices de l’Académie des Sciences morales et politiques.
  2. On peut voir la liste de ces collections aux pages 30-52 du Manuel bibliographique de la Littérature française de G. Lanson. Signalons spécialement celles du Cabinet du Bibliophile, de la Librairie des Bibliophiles, de la Société des textes français modernes, de la Société de l’Histoire de France.