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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/855

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C’est la même aventure qui advint aux troupes noires, — certes aujourd’hui en nombre respectable dans nos rangs, — mais cependant restées embryonnaires nu regard de ce qu’elles auraient pu et dû être, puisqu’au demeurant elles ont gagné maintenant, les armes à la main et sans appel, le procès qu’on avait mis peu d’empressement à leur laisser plaider.

En ces jours de victoire, ne récriminons point. Nul ne doit être incriminé parmi les hommes de bonne volonté et de bonne foi, sans doute, qui crurent pouvoir discuter l’affaire sur pièces et non d’après expérience personnelle. Le Soudan, c’est si loin !… On ne crut pas assez les ouvriers de la première heure, ni leur maître à tous, l’apôtre, qui, corps et âme, s’était voué à cette tâche de salut public : suppléer à nos forces faiblissantes par la force noire, issue d’un demi-siècle d’épopée africaine.


L’IDEE ET SES PROMOTEURS

Née à l’époque de Fachoda, la conception première des troupes noires réunit à l’origine les noms du général de Galliffet, alors ministre de la Guerre, et des généraux, — en ce temps capitaines, — Mangin, retour de la Mission Marchand, et Gouraud, vainqueur de Samory. Du temps passa. L’idée resta sans suite. Mais, en 1908, le lieutenant-colonel Mangin, devenu chef d’état-major de l’Afrique occidentale, la reprit, on prévision cette fois d’une conflagration européenne. Ses propositions, fortement recommandées par ses chefs hiérarchiques, les généraux Audéoud, commandant supérieur des troupes de l’Afrique occidentale française, et Archinard, commandant le corps d’armée des troupes coloniales, chaleureusement et à deux reprises signalées aux bureaux de la Guerre par le général de Lacroix, généralissime désigné, n’obtinrent, malgré les avis conformes du gouverneur général de l’Algérie, du Résident général de Tunisie et du général Voyron, un des doyens de nos guerres coloniales, aucune réponse.

Ce silence détermina le lieutenant-colonel Mangin à saisir l’opinion par la voie de la presse en septembre 1900. L’effet fut immédiat. Un véritable foisonnement d’articles, d’interviews quelques-uns étonnés, mais, pour la grande majorité, favorables, jeta brusquement la question des troupes noires en pleine actualité. Des hommes politiques en vue donnèrent de