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trop tard pour qu’ils pussent réaliser leur dessein. Lorsque Guillaume en eut reçu l’assurance, il contremanda les préparatifs qu’il avait ordonnés ; on n’a jamais su s’il l’avait fait avec satisfaction ou avec regret. L’Entente franco-russe sortait de cette épreuve plus forte que jamais et c’était peut-être le cas d’écrire comme le faisait un diplomate : « A quelque chose, malheur est bon. »

Peu de jours après, Alexandre signait un décret qui conférait au président Carnot la grand-croix de Saint-André, la plus haute des distinctions honorifiques de l’Empire, à laquelle était attaché le privilège d’autoriser ceux à qui elle est accordée à porter toutes les autres. Il y avait déjà quelque temps que, sur l’initiative prise par Laboulaye, une négociation s’était ouverte sur cet objet à l’insu du Président de la République. L’Empereur s’y était immédiatement montré favorable et l’exécution de sa promesse était considérée comme prochaine : « Ce sera le couronnement de ma carrière en Russie, » disait Laboulaye à Giers. L’accomplissement de cette promesse, après les incidents auxquels avait donné lieu la présence à Paris de l’Impératrice douairière d’Allemagne, prenait un caractère tout particulier de sympathie, de confiance et d’union.


II

À ce moment, aboutissait une autre négociation, entreprise par M. de Freycinet et par Barbey, ministre de la marine, et dont Laboulaye s’était fait l’intermédiaire à Saint-Pétersbourg. Il était chargé de demander au gouvernement impérial si l’envoi de notre escadre au Nord dans la Baltique lui serait agréable et agréerait à la marine impériale en la mettant en rapports avec la marine française. L’offre avait été acceptée sur-le-champ, mais l’exécution remise à une époque relativement éloignée. Le jour où Laboulaye alla porter à l’Empereur les remerciements du président Carnot pour la croix de Saint-André, Alexandre lui déclara spontanément qu’il serait heureux de voir l’escadre du Nord mouiller dans la Baltique et s’arrêter sur les côtes de Russie ainsi que le lui avait proposé notre gouvernement. Il indiqua la fin de juillet comme la date qui lui serait la plus agréable car c’était celle de la fête de l’Impératrice qui tombait le 3 août. Il en était bientôt convenu