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de Bernstorff, la « même que celle dont jouissait la Belgique. »

Ce n’est pas tout. L’avant-garde prussienne était accompagnée d’un officier chargé de distribuer dans le Grand-Duché une proclamation du général Tulff imprimée à Coblence, et apprenant aux Luxembourgeois, stupéfaits, que le samedi précédent (1er août) six cents cyclistes militaires français étaient arrivés dans leur ville, que leur neutralité avait été violée par la France et que l’Allemagne avait par conséquent le droit d’en faire autant ! « Tous les prudents efforts de Sa Majesté notre Empereur et Roi pour conserver la paix ont échoué, ajoutait le général allemand. L’ennemi a obligé l’Allemagne à tirer l’épée. Après que la France, au mépris de la neutralité luxembourgeoise, a commencé les hostilités contre l’Allemagne en territoire grand-ducal, — chose qui est établie sans contestation possible, — Sa Majesté Impériale s’est trouvée dans la pénible nécessité d’ordonner aux premières divisions de l’armée allemande d’occuper le Luxembourg. »

« L’information sur laquelle repose cette proclamation, écrit M. Emile Prüm, est inexacte : le peuple luxembourgeois tout entier en est témoin. » Le chef du gouvernement grand-ducal, M. Paul Eyschen, est encore plus explicite. « Il n’y a pas un mot de vrai là-dedans, déclare-t-il à la Chambre luxembourgeoise. Au contraire, dès samedi soir les Français s’étaient eux-mêmes coupé toute voie de communication avec le Luxembourg en détruisant le chemin de fer de Mont-Saint-Martin. Cela ne peut laisser aucun doute sur leurs intentions. Je l’ai immédiatement télégraphié à Berlin. Nous avons donc le droit d’espérer que, puisque les faits qui, d’après des ministres et un général allemand, ont déterminé l’invasion, sont prouvés faux, l’occupation ne sera que passagère. »

Il ne déplaira pas au lecteur d’apprendre, par les révélations de M. Eyschen à la Chambre luxembourgeoise, que la proclamation Tulff avait été imprimée à Coblence avant le 1er août, qu’un officier en était porteur, et qu’elle devait être distribuée à Luxembourg, mais qu’il fut ensuite décidé qu’elle ne serait pas répandue. « Par malheur, ajoute M. Eyschen, le chauffeur de l’officier en perdit quelques exemplaires, et c’est ainsi que le public en eut connaissance. »

Il serait intéressant de savoir si c’est un scrupule d’honnêteté ou un ordre venu d’en haut qui a décidé le général