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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/955

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rétablir la Pologne, dit, en substance, M. de Brockdorff-Rantzau; et, pour qu’on puisse la rétablir, on nous demande de renoncer à la Prusse occidentale, à une partie de la Poméranie, à Dantzig; de nous laisser couper de la Prusse orientale, dépouillée de Memel. Mais la Prusse orientale, la Prusse occidentale, la Poméranie sont des territoires essentiellement allemands; Dantzig et Memel sont des villes foncièrement allemandes, En faveur de la même Pologne restaurée et de la Tchécoslovaquie à créer, on nous demande encore de renoncer à la Haute-Silésie, « malgré la vie allemande dont elle abonde et bien qu’elle constitue la base même de l’industrie dans toute la partie orientale de l’Allemagne. » A la Belgique, il faudrait céder des districts « où l’élément allemand prédomine. » Le pays de la Sarre « doit être détaché de notre Empire et son rattachement à la France doit être préparé; » mais, lui aussi, il est « foncièrement allemand. » par-là, l’Allemagne sera mutilée dans sa chair; et pourtant, « pareille Allemagne, ainsi morcelée et affaiblie, doit se déclarer prête à supporter tous les frais des adversaires, s’élevant à des sommes qui dépasseraient du double sa fortune nationale et privée... La limite sera fournie par la capacité de paiement du peuple allemand, » uniquement mesurée par sa capacité de travail. C’est l’esclavage perpétuel. Mais, en même temps qu’on force l’Allemagne à travailler sans répit pour payer, on l’empêche de vivre. On lui prend sa flotte marchande, on saisit ses propriétés, ses valeurs étrangères, on ruine son commerce, on confisque toute sa fortune, on s’empare de ses colonies, d’où l’on chasse jusqu’à ses missionnaires mêmes qui n’auront pas le droit « d’y exercer leur profession ! » C’est donc pis que l’esclavage : c’est le meurtre, l’assassinat d’une nation! C’est la suppression pure et simple de l’Allemagne, rayée de la carte, puisqu’elle est exclue de la Ligue des nations ! En donnant sa signature, l’Allemagne signerait « sa propre proscription, bien plus : son arrêt de mort. »

Sans doute « elle sait qu’il faut qu’elle consente à des sacrifices pour arriver à la paix. » Elle s’est engagée, elle a promis, elle est prête à tenir dans la limite du possible. Mais elle ne peut que le possible. Elle accepte de ne garder qu’une armée de 100 000 volontaires. Elle abandonne tous ses navires de guerre, même ceux que « ses ennemis veulent lui laisser encore. » A la seule condition qu’elle soit admise immédiatement, sans stage et sans pénitence, dans le concert pacifique des peuples de bonne volonté. Quant aux questions territoriales, elle s’en réfère absolument au « programme Wilson. »