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SOUVENIRS DE MON MINISTÈRE

II [1]
APRÈS LA DISSOLUTION DE LA DOUMA


I. — LES DEBUTS DE M. STOLYPINE

La décision prise par l’Empereur, en même temps qu’il dissolvait la Douma, de remplacer à la tête du Gouvernement M. Goremykine par M. Stolypine, avait été un véritable coup de théâtre, auquel personne, et moins que tout autre M. Goremykine lui-même, ne s’était attendu. Il y fallait voir une inspiration personnelle de Nicolas II, espérant par ce moyen atténuer la fâcheuse impression que le renvoi de l’assemblée devait produire dans le pays. Elle eut le sort de toutes les demi-mesures, c’est-à-dire qu’elle mécontenta tout le monde. Les partis d’opposition, sans en excepter les libéraux modérés, tinrent cet acte pour un coup de force préludant à l’abrogation complète de la charte de 1905 ; les réactionnaires furent indignés de ce désaveu infligé à M. Goremykine et de la nomination d’un homme entaché à leurs yeux de libéralisme.

Le plus surpris de tous fut M. Stolypine : il s’était sincèrement appliqué, en collaboration avec moi, à préparer les voies à la formation d’un Cabinet de coalition dans lequel il était prêt à prendre une place de second plan sous la direction d’un personnage jouissant de la confiance de la Douma ; il ne se considérait nullement comme désigné pour assumer le premier rôle dans le Gouvernement. Mais dans un moment aussi critique,

  1. Voyez la Revue du 1er juin.