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Fêtes-Dieu qui couvraient aux regards des peuples et parfois de l’Eglise elle-même, cette guerre secrète, n’avaient même point la vertu d’une trêve de Dieu.

Un laïque, en 1849, à la faveur des souffles révolutionnaires qui rendaient enfin à la pensée catholique, dans les États des Habsbourg, quelque liberté de parole, publia des Recherches sur la situation religieuse : c’était la première fois depuis cent ans que paraissait en terre autrichienne une revendication formelle de l’autonomie de l’Eglise[1]. « Dans mon pays je veux être Pape, archevêque, évêque et doyen, » avait dit l’empereur Rodolphe dès le XVIe siècle. — « Il faut considérer le prêtre, avait en mars 1792 décrété l’empereur Léopold II, non seulement comme un piètre et un citoyen, mais aussi comme un fonctionnaire de l’État dans l’Eglise. » L’esprit joséphiste, au jour le jour, sanctionnait et systématisait ces maximes augustes. Ses résistances occultes, puis ses manifestations publiques, paralysaient l’effet du Concordat qu’en 1855 François-Joseph signait avec Pie IX, et finalement en obtenaient la brutale abrogation.

L’Eglise d’Autriche se plaignait : un de ses évêques, Rudigier, dont Rome a plus tard instruit le procès de sainteté, fut même condamné pour s’être plaint trop haut, et puis gracié. Le joséphisme avait des griffes, qui pouvaient même caresser.

Il semblait parfois que l’État des Habsbourg, convoquant son Eglise sur les cimes mêmes du haut desquelles un département ministériel la gouvernait, lui montrât, d’un geste tentateur, les richesses qu’il lui laissait, les honneurs qu’il lui concédait : ces richesses servaient à sa charité, ces honneurs glorifiaient son Credo : que demandait-elle de plus ? Être libre, peut-être ? Mais c’était là un mot que la bureaucratie joséphiste ne comprenait point.

Là-bas, à Rome, la diplomatie autrichienne, s’empressant auprès du Saint-Siège, murmurait aux oreilles d’un Grégoire XVI ou bien à celles d’un Pie IX, en leur montrant, proche d’eux, la frémissante Italie : « Nous sommes solidaires. Très Saint-Père ; c’est moi qui vous protège. » Si Rome eût laissé faire, la protection fût bientôt devenue protectorat. Ouvrons la

  1. Sur ce livre d’Ignaz Beidtel, voir la préface d’Alfons Huber à la Geschichte der oesterreichischen Staatsverwallung, du même auteur, I, p. XLIV ; — et Clair, Études religieuses, . juillet 1860, p. 101.