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force d’expansion qui le répand partout dans le bassin du Danube[1]. » Tous ces êtres rayonnants, apôtres de l’idée roumaine, de l’idée slovène, de l’idée croate, offraient ce trait commun, qu’au delà même des frontières de leur Eglise, ils cherchaient, dans les Eglises détachées de Rome, des frères de race, auxquels pût s’étendre leur patriotique apostolat. Mais puisque la dislocation des nationalités, puisque leur éparpillement en tronçons dissociés, devait tôt ou tard avoir un terme, pourquoi donc la division des Eglises n’aurait-elle pas un terme, elle aussi ? Les pensées d’union, parfois, ont une vertu contagieuse. Et l’on voyait ces artisans des futures unités nationales s’acheminer vers l’idée de l’union des Eglises et frayer ainsi les voies, au nom même de leur nationalisme, aux progrès de la confession religieuse qui, de par son essence, dépasse et enveloppe toutes les nations.

Slomsek, en 1851, faisait approuver par Pie IX l’association de prières qu’il avait fondée, sous le patronage des saints Cyrille et Méthode, pour obtenir de Dieu l’unité religieuse du monde slave : il invitait « tous les frères et sœurs séparés, et voulant le bien, » à prier avec ses propres ouailles. Quant à Strossmayer, il n’était pas homme à laisser une prérogative en souffrance ; et comme il joignait à son diocèse de Diakovo une juridiction d’évêque sur la Bosnie et de vicaire apostolique sur la Serbie, il lui semblait voir, dans ces titres mêmes, un appel à jeter des ponts, au nom de l’Eglise Romaine, vers d’autres Slaves, vers d’autres chrétiens.

De bonne heure, ce plan le hanta. Il discernait qu’un premier pas serait fait vers l’unité religieuse si les Eglises slaves unies à Rome obtenaient de Rome le droit d’adopter la liturgie slave. Racki, venu sur les bords du Tibre, en 1857, pour réorganiser l’Institut de Saint-Jérôme, avait l’impression que ce renouveau liturgique serait un jour accepté par le Saint-Siège : deux ans plus tard, d’après les instructions de Strossmayer, il rédigeait pour les congrégations compétentes un mémoire sur la question. L’Académie de Zagreb, encore qu’elle n’eut rien de confessionnel, pouvait, dans la pensée de Racki, aider au rapprochement religieux entre Slaves : il pressentait en elle une intermédiaire providentielle entre l’Orient et

  1. Laveleye, La Prusse et l’Autriche depuis Sadowa, II, p. 124.