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Pape, même sans terres, est toujours considéré comme une puissance : à la faveur d’un simple changement de mot, l’admission éventuelle de la Papauté à la cour d’arbitrage international cessait d’être impossible. Le comte Nigra, qui représentait l’Italie, témoigna galamment qu’il comprenait, et qu’il ne s’opposait point ; la proposition de Louis Renault fut acceptée[1]. Pour la fécondité de ces » délibérations futures qui s’essaieraient à régler périodiquement les destinées humaines, cela lui paraissait un avantage précieux, que la Papauté pût obtenir tôt ou tard quelque possibilité d’accès.

De lointains précédents pourraient être évoqués, dont jadis elle fut l’instigatrice : Trêve de Dieu, Paix de Dieu, démarches pontificales d’arbitrage ou de médiation, échafaudage architectural de cette « chrétienté » qu’Auguste Comte regardait comme le « chef-d’œuvre politique de la sagesse humaine. »[2] Tous ces souvenirs militent contre les sceptiques du vingtième siècle, prêts à qualifier d’utopie l’effort vers plus de justice. Sur les lèvres des pontifes du moyen âge, certains accents résonnèrent, qui vibrent encore à l’unisson de nos propres rêves. Les succès partiels que ces pontifes recueillirent pourraient être pour la jeune Société des Nations une leçon de confiance et même d’audace. Pourquoi donc n’attendrait-elle des Papes d’autres leçons que ces leçons d’outre-tombe ? Pourquoi leur voix n’aurait-elle son audience que lorsqu’elle s’élèverait des profondeurs du passé ?

La Société des Nations veut aviser à la consolidation d’une paix juste et durable. Parmi les suggestions apportées, en voici une à laquelle sa hardiesse même épargnera pour quelque temps au moins le reproche de banalité :


Le point fondamental doit être qu’à la force matérielle des armes soit substituée la force morale du droit ; d’où résulte un juste accord de tous pour la diminution simultanée et réciproque des armements, selon des règles et des garanties à établir, dans la mesure nécessaire et suffisante au maintien de l’ordre public en chaque État ; et pour la substitution aux armées d’une institution d’arbitrage, avec une haute fonction pacificatrice, selon des règles à concerter et des sanctions à déterminer contre l’État qui se refuserait,

  1. Yves de la Brière, La Société des Nations, essai historique et juridique, p. 191-193. Paris, Beauchesne, 1918.
  2. Auguste Comte, Cours de philosophie positive (édit. de 1867). V, p. 231.