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l’amortissement de cette pénible dissonance dont nos alliés d’au delà des Alpes sont les premiers à souffrir.

Déjà dans beaucoup d’esprits certaines maximes mûrissent, d’après lesquelles la Société des Nations, pour des intérêts supérieurs, pourrait entourer de certaines limitations de détail, courtoisement concertées, la souveraineté intérieure de chaque État. Entre ce principe général et l’application qui pourrait en être faite sur terre italienne en faveur de la Papauté, il n’y aurait peut-être qu’un pas. On pourrait le franchir de plusieurs façons, soit en garantissant internationalement la liberté du Pape, soit en prenant acte, par une procédure internationale, de la volonté de l’Italie de garantir cette liberté. Du jour où la diplomatie italienne, avec l’agrément préalable du Saint-Siège, envisagerait ainsi quelque élégante solution, les hommes d’État transalpins se réjouiraient sans doute d’avoir fait œuvre esthétique et de constater une fois de plus que certaines restrictions volontaires de souveraineté ont parfois la portée d’un allégement. Le souci de maintenir à Rome une situation discutée, souci que sut exploiter la ruse d’un Bismarck, avait, il y a quarante ans, acheminé l’Italie vers cette Triple Alliance qui, dès les premiers jours de la Grande Guerre, lui parut contraire à son génie, à sa fraternité latine, à son culte du droit, à la voix de son sang. Ce serait pour elle une bonne fortune politique de pouvoir un jour faire constater par la Société des Nations, que le Pape jouirait, dans Rome, de tout ce qu’il aurait déclaré nécessaire pour sa liberté[1]. Elle émousserait ainsi ce qui demeure encore épineux dans la question pontificale ; et le sens qu’elle a des gestes magnifiques trouverait soudainement une certaine grandeur à convier le pape et la chrétienté à l’établissement d’une Pax Romana. Ce nom somptueux fut béni, lorsqu’il désignait l’harmonie que faisait régner la Rome antique parmi les nations soumises ; la troisième Rome offrirait au monde une autre vision d’harmonie, en l’appelant à collaborer avec elle pour réaliser le spectacle du Pape libre sous l’égide des nations libres.


GEORGES GOYAU.

  1. Voir l’article du marquis Crispolti dans Vita e Pensiero du 20 avril 1919.