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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/347

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poire qui pend... D’autres perles, rondes celles-là, se suivent en un double collier, dont l’un clôt le cou et porte, sur la gorge, au bout d’un fil rigide un médaillon plat, où s’agglomèrent quatre petites croix, et l’autre glisse de la nuque aux seins et tombe dans le cadre. Entre ces deux cercles globuleux et limpides, on voit descendre encore une chaînette d’or, où sont suspendues trois perles poires, qui s’insinuent au-dessous du médaillon doré.

Tout cela s’enroule ou se déroule sur la peau nue, le corsage étant ouvert en carré jusqu’à l’épaule et bordé par de larges galons d’or, ou broderies de feuillage. Cette toilette est exactement celle des Milanaises de la belle époque : la fin du XVe siècle. C’est une camora largement décolletée devant et derrière, d’un vert bleu et probablement en velours. On voit clairement que la manche est indépendante du « corps » et d’une couleur tranchante, sans doute primitivement « cramoisi, » puis peu à peu devenu orangé rose. Le milieu, qui est le point le plus lumineux du tableau, a été peint en jaune citron, par l’artiste, pour exprimer la décoloration du ton local par la lumière. La manche est rattachée au « corps » par deux nœuds de soie noire aux bouts flottants, non sans laisser gonfler, tout autour de l’épaule, de larges crevés de linge, d’un blanc jauni. La couleur de tout cela n’est sans doute pas la couleur que le peintre a mise et que les contemporains ont vue. Une touffe de feuilles d’oranger, symbole de mariage, peinte sur le fond, est à peine perceptible. Le fond verdâtre ayant poussé au noir, la chair ambrée et rosée des joues, les lèvres décolorées, et le long cou flexible et pâle luisent en pleine ombre, sans éclairage externe visible, comme une lampe. La masse brune de la chevelure tranche trop avec la résille couleur de blé mûr, et avec le cuazzone d’un blanc sale et verdâtre qui tombe dans l’ombre, et, sur toute cette harmonie sourde, vibre mal l’accord plaqué du rubis rouge. Mais l’ensemble des rapports nouveaux produits par les mystérieuses évolutions des couleurs est encore assez plaisant.

Tel quel, ce profil avait déjà été visible, une première fois, sur l’autre rive de la Seine, à l’École des Beaux-Arts, lors de l’Exposition des portraits de femmes et d’enfants, qui eut lieu au printemps de 1897. Celait durant ces jours lumineux et tragiques, où, dans la sérénité d’un ciel pur et bleu, montèrent