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leur prise de possession définitive. Il y en a une autre : notre Briey fournit des minerais calcaires de bonne qualité, utiles, avantageux pour les lits de fusion, qui manquent dans la zone d’affleurement annexée par l’Allemagne et que les métallurgistes d’outre-Rhin recherchaient pour les mélanger avec leurs minerais siliceux. De tels minerais calcaires sont également représentés au Luxembourg, mais en quantités insuffisantes. Les Allemands auraient-ils pu y suppléer si nous avions mieux défendu notre frontière ? Assurément. Il n’est pas difficile de trouver n’importe où du calcaire qui, ajouté à la charge de minerai siliceux, remplit à peu près le même office lorsqu’il s’agit de fabriquer des munitions à tout prix. Ici encore, on parle deux langues différentes quand on envisage, ou bien l’utilité économique de notre Briey pour les Allemands en temps de paix, alors qu’il s’agit de gagner des centimes sur un prix de revient, ou sa nécessité en temps de guerre. La vérité me paraît être que l’envahissement de nos régions minières lorraines a été pour nous un désastre, non pas parce qu’il a fourni du minerai à nos ennemis, mais parce qu’il nous l’a retiré.

Laissons maintenant de côté ces discussions irritantes pour envisager ce qui, dorénavant, nous importe le plus, la valeur future des minerais que nous venons de récupérer. J’ai déjà donné les chiffres des réserves. Ajoutons-y les chiffres de production annuelle, puisqu’on ne les fera jamais assez connaître. Sur 35 millions de tonnes de minerais de fer produites en 1913 par l’Allemagne et le Luxembourg, le bassin lorrain en fournissait, à lui seul, 27,5 ; sur 21,7 millions de tonnes extraites par toute la France dans la même année, la partie gardée par nous en fournissait 19,5. Le total de l’extraction annuelle montait à 47 millions de tonnes, le tiers de la production mondiale. On remarquera, entre parenthèses, que notre production restait encore très inférieure à celle de nos ennemis. Mais ces chiffres ne représentaient qu’un point de départ. Pendant les dix dernières années, nous avions doublé notre extraction, et des créations de mines nouvelles allaient bientôt l’accroître dans une proportion comparable.)

En résumé, le gisement lorrain, que nous possédons désormais tout entier, constitue, dans l’état actuel de l’industrie sidérurgique, la principale ressource européenne : celle qui