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étude plus approfondie m’a démontré qu’il avait été un des révolutionnaires les plus ardents sous la Restauration, lors de l’Adresse des 221, et sous Louis-Philippe, lors de l’immorale coalition de 1838. Dès lors, je ne me suis plus étonné de l’approbation qu’il a donnée au coup de main du 4 septembre après avoir soutenu le plébiscite de 1870. L’homme le moins révolutionnaire de ce siècle a été Lamartine. Il n’a péché qu’un jour, à propos du banquet de Paris et il en a fait amende honorable. Le 24 février, lorsqu’il a repoussé la régence chimérique de la Duchesse d’Orléans, il a été prévoyant et non révolutionnaire. Je voudrais mettre mon honneur à ne l’être pas du tout.


A Démosthène Ollivier


Naples, 12 avril 1872.

Mon cher père.

Ma santé maintenant est parfaite grâce à un régime très sobre et à la bière qui me sauve de la mauvaise eau de Naples. L’air de la mer aussi, je crois, me fait du bien. Je suis à merveille chez Ernest qui est tout à fait charmant. Je pense néanmoins rentrer bientôt à Pollone.

Comme il pleut souvent, pour occuper mon temps je suis allé, il y a quelques jours, aux cours de justice. J’étais conduit par un jeune avocat qui m’a présenté le Nestor du barreau de Naples, le plus renommé de toute l’Italie. Il s’appelle Roberto Savarese. Aussitôt rueur dans le Palais. Savarese a convoqué autour de moi les principaux avocats, me les a présentés, et tous m’ont conduit aux audiences. Dès que j’entrai, le président se leva et m’invita à siéger parmi les juges, puis l’avocat qui plaidait s’interrompit pour m’adresser un compliment.

Hier, j’ai été à l’Université écouter un cours. Un jeune homme s’est approché et m’a dit : « Est-ce que vous n’êtes pas M. Emile Ollivier ? Je connais bien votre portrait ! » Je n’ai pu nier. Aussitôt le Recteur et les professeurs d’accourir et les élèves de me faire cortège. Ces rencontres, qui m’ont d’abord un peu agacé, m’ont ensuite réconforté le cœur, car tout cela était accompagné de paroles chaleureuses qui m’ont prouvé que, malgré notre défaite, la France et sa cause ont encore en Italie de nombreux amis.