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qu’elle cédait sans réserves. Mais prenons garde d’être dupes des mots ou du silence des mots, ne tombons pas dans l’erreur de croire que ce qui n’est pas exprimé n’existe pas. Reprenez la dépêche de M. Müller : l’Allemagne ne dit plus qu’elle fait des réserves, mais elle ne dit pas davantage qu’elle n’en fait plus. Et tout de suite elle a laissé voir que, si sa langue avait failli, si sa main ne s’était pas refusée, sa tête était toujours la même tête obstinée et dure, et son cœur farouche n’était pas touché. Ce que le président du ministère d’Empire Bauer avait dit la veille, dans son discours à l’Assemblée de Weimar, toute l’Allemagne le répétait ou le pensait encore le lendemain : » Aucune signature ne peut enlever sa valeur à une protestation que nous élevons solennellement pour tous les temps à venir. Le gouvernement a renoncé à discuter l’une ou l’autre des conditions parmi le grand nombre de celles qui nous sont imposées et qui sont plus ou moins irréalisables ; le traité ne perd pas, par des modifications de détail (les adoucissements que nous avons signalés dans le texte du 16 juin, par rapport au texte du 7 mai), son caractère de destruction… Le gouvernement s’est résolu à faire signer le traité de paix, tout en déclarant sans détour que personne ne peut juger le peuple allemand capable, dans son intime conviction, de souscrire à un traité de paix qui, sans que la population soit consultée, arrache des membres vivants de l’Empire allemand, atteint directement la grandeur de l’Allemagne et impose au peuple allemand des souffrances insupportables. Si néanmoins le gouvernement signe le traité, c’est que la violence le contraint à le faire, et pour épargner au peuple allemand les souffrances indicibles d’une nouvelle guerre, la destruction de son unité nationale, de nouvelles occupations de territoires allemands, une famine effroyable et une détention impitoyable de ses prisonniers. »

En somme, la seule chose que M-Bauer ait déclarée « sans détour, » c’est que l’Allemagne, en signant, entend ne s’engager qu’avec toute sorte de détours. Et, lui, Bauer, il est un socialiste majoritaire, il est un chef de gouvernement. Pour être un homme d’État improvisé, un champignon des couches démocratiques, il ne s’en est pas moins, une fois arrivé au pouvoir, guindé en homme d’État. Mais le chef des socialistes indépendants, s’il est dans la nature des socialistes indépendants d’avoir un chef, Haase, ne tient pas un autre langage : « Même après les concessions qui ont été faites, a-t-il appuyé, le traité de paix ne répond pas à nos principes. Si nous l’acceptons néanmoins, nous le faisons contraints par la force ; mais si nous ne pouvons l’exécuter, même en y employant toutes nos