Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/484

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Machiavel, sont peuplés de uomini da bene. Les philanthropes auront beau faire : l’humanité ne sera longtemps encore capable que d’une certaine mesure de bien ; et l’Allemagne, d’une mesure moindre que le reste de l’humanité.

Les gouvernements alliés et associés en ont eu l’exacte vision : le pacte de garantie anglo-franco-américain que M. le président Wilson et M. Lloyd George ont contracté avec M. Clemenceau en est la meilleure preuve. C’est le signe que ni la France, ni l’Angleterre, ni les États-Unis n’entrent dans l’avenir les yeux fermés ; et là dedans, en ce qu’il signifie, de quelques restrictions qu’y soit enveloppé le casus fœderis, réside sa principale valeur. Veillons, ne dormons pas, ne rêvons pas ! En dehors des questions qui se rattachent directement à la paix allemande, que de problèmes demeurent à résoudre ! La paix, qui est signée, mais qui n’est pas faite avec l’Allemagne, n’est ni signée ni faite avec l’Autriche, avec la Hongrie, avec la Turquie, avec la Bulgarie. L’Occident semble un peu se rasseoir, mais l’Orient fermente, bout et se liquéfie. Il y a la Baltique et l’Adriatique, il y a les Balkans, il y a la Russie et l’Asie-Mineure, il y a la Chine. Plus de vingt fronts de bataille, une longue écorchure du Nord au Sud ; des sensibilités à vif, des ambitions contrariées, des espoirs déçus, et, jusque dans les solutions imposées, des germes de conflits latents. Des serpents pour toutes les Furies. La paix elle-même en est toute couronnée. Ne défions pas, reformons, resserrons le faisceau. L’une, quelle qu’elle soit, des Puissances alliées et associées ne se maintiendra que par toutes les autres. Ce n’est jamais le moment, mais c’est moins que jamais le moment de perdre ses amis. Pour nous, nous n’avons pas le moyen, et nous devons écarter l’occasion, toute raison, tout prétexte, tout risque d’en perdre un seul.


CHARLES BENOIST.


Le Directeur-Gérant,

RENE DOUMIC.