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vait assurer le ravitaillement en munitions de la ligne et la transmission des ordres. »

Cette vigilance des chefs, la coordination qu’elle imprimait à tous les mouvements de la brigade, ne furent certainement pas étrangères à l’heureuse issue des événements. Mais notre meilleur adjuvant, c’était encore la confiance des hommes. Elle était « illimitée, » dit un officier (Mérouze). L’ennemi, dans ce segment, ne ménageait pourtant passes torpilles ; les zouaves, surtout à notre gauche, « avaient subi un marmitage effréné. » Leurs tranchées étaient complètement bouleversées et l’ennemi pouvait croire que les nôtres ne faisaient pas meilleure figure. Mais, ce jour-là, décidément, il y avait comme une protection occulte sur les marins : l’artillerie allemande avait trop allongé son tir ; ses torpilles tombaient à une quinzaine de mètres en arrière et nos hommes, « tassés à l’abri du parapet » et riant sous cape, escomptaient déjà la déception du Boche qui les croyait « en marmelade » et à qui cette erreur pourrait bien coûter gros.

« À treize heures en effet[1], dit le témoin que nous avons déjà cité, la préparation d’artillerie ennemie s’arrêta tout d’un coup. Nos Jean Gouin bondissent au parapet, gonflés de cartouches (à tel point que nous en rions) et nous n’eûmes plus qu’à maintenir leur impatience et leur mépris du danger. » L’œil au périscope, le capitaine Mérouze guettait l’ennemi.

— Les voilà, dit-il à ses hommes, quand il vit les Allemands enjamber leurs tranchées, attendez un peu qu’ils aient bien avancé… et puis chacun son gibier !…

Les assaillants, ceux-ci debout, ceux-là courbés, fonçaient sur la tranchée française. Un roulement de mousqueterie, quelques moulinets de mitrailleuses, et tout fut dit : la vague boche tomba dans l’herbe. « Nos hommes tiraient les uniformes gris exactement comme des lapins. » Sport enivrant ! L’attaque ennemie eût été « liquidée » en cinq minutes, si les choses eussent suivi le même cours à notre gauche dans le secteur de la Geleide. À la jonction de ce secteur, au coude même de la route de Lombaertzyde, l’enseigne de vaisseau Souêtre n’avaitpas bronché sans doute et soutenait de son mieux, avec sa section, les zouaves de la tranchée voisine. Mais le feu ennemi avait été

  1. 13 heures et demie, disent la plupart des carnets.