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une redoutable concurrence, voilà où il faut chercher l’une des causes, et la plus vraie sans doute, de l’attitude polémique par où Bossuet, dans ses rapports avec les protestants, débute.

Plus tard seulement, de cette expérience désagréable, il saura tirer un enseignement : celui d’estimer et de ménager le protestantisme en le combattant ; — celui de chercher ce qui le rapproche de cette Église catholique » dont il est la contrefaçon spécieuse ; — celui de le discuter dans ses racines et son essence religieuse plus que dans ses doctrines erronées. — Mais ce changement heureux, nous ne le verrons s’esquisser qu’un tout petit peu dans la période présente ; par exemple, dans une de ces lettres, dont je parlerai tout à l’heure, à la directrice de la Propagation de la Foi de Metz, où il osera représenter à cette professionnelle du prosélytisme, que, dans les plans de Dieu, l’hérésie a sa raison d’être, et que les hérétiques ont en quelque sorte leur place dans l’Église. Mais cette lettre ne sera écrite qu’en 1659. Pour le moment, au commencement de 1658, il est, comme tous ceux de son milieu habituel, tenté de violence et de persécution.


III. — L’INFLUENCE DE SAINT VINCENT DE PAUL

C’est sur un autre point du développement chrétien de Bossuet que nous offrent encore quelques indications précieuses les lettres écrites par lui à saint Vincent de Paul à propos de la mission de Metz.

Il prêchait beaucoup dans ces premières années, on le sait, mais ce que l’on ne sait jamais trop, c’est avec quelle ardeur il accomplissait cette partie du devoir sacerdotal. Qu’il fût un de ces vrais et fervents prédicateurs qui s’inquiètent des effets utiles de leur parole, ce n’est pas là une de ces suppositions optimistes comme s’en est permis trop souvent l’admiration illimitée de quelques-uns de ses biographes. La rédaction même, et jusqu’à l’écriture de ses sermons, dont nous avons tant d’autographes, attestent l’homme qui fait sa besogne de toute son âme, qui veut persuader, qui prétend obtenir des résultats, qui a l’ambition de l’apôtre. — Or, à Metz, après quatre ou cinq ans d’exercice, il ne paraît pas que sur ce point il fût très satisfait. En 1656-1657, fréquemment, il accuse ses auditeurs de tiédeur, de torpeur : ainsi sur la charité due aux pauvres, qui le