Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/682

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sommes considérables, par la dépréciation qu’il inflige à tous les instruments de paiement et de circulation, par l’incertitude qu’il jette dans toutes les transactions.

On voit dans quelle relation étroite se trouve la question qui nous occupe avec celle des finances de l’État. Si les hommes qui en sont responsables en avaient été plus ménagers, le Trésor n’aurait pas besoin de recourir chaque jour à l’aide de la Banque et de la contraindre à enfler son émission au delà de la limite raisonnable. Les signes monétaires étant moins abondants, la facilité de dépense en eût été réduite d’autant. D’autre part, les changes n’auraient pas subi la hausse désordonnée qui les caractérise depuis quelques mois, et qui a porté la livre sterling à 31 franc » et le dollar à 7 francs. Or le change, ne l’oublions pas, est le grand justicier qui met en évidence les valeurs respectives des diverses monnaies. De naïfs législateurs ont beau s’imaginer qu’ils créent de la richesse en imprimant du papier. Le simple rapprochement des cours que nous venons d’indiquer avec ceux d’avant-guerre est éloquent. Lorsque la circulation de la Banque de France était normale, 5 francs et quelques centimes de notre monnaie équivalaient à 1 dollar américain. Aujourd’hui il en faut 7, c’est-à-dire que nos 35 millions de billets équivalent à 5 et non plus à 7 milliards de dollars, comme ce devrait être le cas si notre monnaie ne s’était pas avilie.

Voilà une démonstration directe de l’exactitude de notre raisonnement, quand nous affirmons que la vie chère est en partie due à l’inflation. Et comme cette cause n’a cessé de grandir alors que les autres ont une tendance à s’atténuer, nous ne nous trompons pas en lui assignant la principale part de responsabilité dans le mal qu’il s’agit de guérir. C’est donc au Palais Bourbon et au Luxembourg que les Français qui souffrent de la disproportion entre leurs ressources et leurs besoins doivent adresser leurs plaintes. Pour y faire droit, il ne s’agit pas d’édicter des augmentations de traitements ou de pensions ; il faut arrêter net le pullulement du papier, mettre un terme aux dépenses folles, établir des impôts, émettre les emprunts nécessaires à la liquidation de la guerre, et ramener nos budgets en équilibre. Évidemment tout cela ne saurait s’exécuter en un jour, et, même une fois exécuté, ne fera pas reculer l’ensemble des prix au niveau de 1913. Mais ce serait déjà un