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Mais ce ne sera pas autrement qu’elle se rattachera au reste du monde. Est-elle une Allemagne, est-elle une Prusse ? Faut-il que, maintenant encore, selon le mot du général Rogge, « beaucoup de fer prussien soit poussé de force dans le sang allemand ? » En deux mots, Berlin ou Weimar, voilà toute la question. Il suffit de rappeler le verdict de l’histoire : l’Allemagne sera particulariste et fédéraliste ou elle ne sera pas.


De la Confédération. — Il semble que la carrière de Bismarck, en aveuglant la conscience de l’humanité, ait, en même temps, altéré la qualité de son intelligence et de son jugement dans les choses de la politique. Après que ce Méphistophelès moustachu eut proclamé la primauté de la Force sur le Droit, toutes les règles parurent abolies ; les résultats des longues et sagaces observations et expériences antérieures furent jetés au panier.

Bismarck entendait arriver à son but par tous les moyens : le but atteint, tous les moyens parurent bons. L’Unité par la Nationalité, tel était son système : on rejeta les autres.

Mais la Nationalité et l’Unité ne se superposent pas exactement : le conflit permanent était institué. Les convoitises prussiennes l’avaient abordé de front par trois grandes guerres ; elles le prolongeaient savamment sous le nom de « Paix armée. »

L’expérience des siècles avait, pourtant, dégagé d’autres solutions. Ou savait que, de même qu’il existe une morale internationale, de même il existe une modération, une mesure, une prudence internationales, qui, ne poussant rien à l’extrême, cherchent avant tout, entre les peuples, les solutions qui, ménageant les sentiments et les intérêts, aboutissent, non au conflit, mais à l’apaisement. La sagesse des Nations inscrivait sur ses tablettes que les pays à populations trop nombreuses et trop diverses doivent s’arranger pour laisser, dans leur voisinage et jusque dans leur sein » une certaine autonomie aux petits États ; on avait trouvé des formes intermédiaires mariant l’Unité à la Nationalité, formes assez strictes pour donner satisfaction à l’appel du sang et du sentiment, assez souples et flottantes pour ne pas servir de chaine au despotisme ou de fers à l’esclavage.

L’Allemagne « au centre de l’Europe, » ce n’était pas seulement