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y a lieu, sa propre constitution. Quand elle se sera mise en mouvement, on verra si les engrenages fonctionnent bien ou mal. Le moteur est en place, et c’est le principal.

Je dirai, cependant, quel est, entre les deux systèmes qui sont en présence (le Super-Etat ou le simple conseil de délibération et de surveillance), celui qui a mes préférences.

Les raisons qui ont amené le général Smuts à prévoir, comme prochaine, l’administration internationale de certains peuples par la Société des Nations, sont faciles à reconnaître. Le désordre est si profond dans diverses parties de l’Europe et les nationalités naissantes sont si faibles qu’on peut se demander si ces pays pourront prendre le dessus sur les misères ou les faiblesses qui les mettent dans une sorte d’impossibilité de se gouverner eux-mêmes.

Malgré tout, il est préférable, à mon avis, de les laisser faire, — tout en les soutenant. La pire des inerties est celle qui compte sur autrui ; tous les fardeaux sont lourds, même celui qu’impose la bienveillance. Pour que les patries existent, il faut qu’elles agissent.

Rien ne le prouve mieux que la guerre actuelle, tous les peuples sont patriotes. Aucun d’entre eux, si faible soit-il, qui ne se sente fier de son sang, de sa race, de son passé, de son avenir. L’internationalisme n’a trouvé son heure ni au cours ni au lendemain de cette lutte ardente pour la libération et pour les frontières. Serbes, Polonais, Tchéco-slovaques, Roumains, Grecs, Italiens, Français, Anglais, Américains, tous ont combattu pour leur patrie, et elle est, pour chacun d’eux, « le plus beau et le plus fier pays du monde. » Le bolchevisme s’est abaissé, il est vrai, devant la conception traîtresse du marxisme allemand : la révolution a aboli l’ordre, mais non la patrie, et celle-ci se retrouve dès qu’il s’agit de ses frontières et de son avenir. L’internationalisme-marxisme est la conception allemande d’une tyrannie économique et sociale ; s’il n’est pas cela, il n’est qu’une simple abstraction. Dans les deux cas, il est dangereux et la propagande qui le répand ne fait que prolonger des crises sans issue..

C’est donc, à mon avis, avec la plus haute sagesse que les fondateurs de la Société des Nations se sont gardés de donner à celle-ci même les apparences d’un Super-Etat, plus ou moins antagoniste des patries. On pourrait penser qu’ils ont fait un pas de trop en réservant, à la Société des Nations, une sorte