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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/927

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Ils peuvent y apprendre que la constitution de l’unité germanique a été loin de représenter, comme ils seraient tentés de le croire, l’expression spontanée des vœux de tout un peuple, la suite logique de victoires remportées en commun, le résultat d’un immense élan de sacrifices à la cause, nationale. Dans les témoignages contemporains allemands, elle apparaît au contraire comme l’œuvre personnelle et artificielle de Bismarck, fondée sur l’intrigue et la ruse, poursuivie à travers les résistances et les marchandages de l’égoïsme, sujette à des retours qui faillirent la compromettre jusqu’au dernier moment, affectée d’une faiblesse originelle qui la destinait à demeurer précaire. Elle permet de saisir sur le vif l’application de cette politique de chantage qui trouva plus tard son chef-d’œuvre dans l’accession de l’Italie à la Triple Alliance et par laquelle le Chancelier excellait à se faire offrir ce qu’il exigeait de ses partenaires, à leur présenter comme une concession ce qu’il leur imposait comme une nécessité. Pour amener les princes allemands à se ranger sous la loi des Hohenzollern, ce n’est pas à l’intérêt supérieur de la patrie commune qu’il devait faire appel, mais à leurs jalousies réciproques et à leurs rivalités particularistes : il ne parvint donc à unifier son pays que par les moyens et les sentiments qui l’avaient si longtemps tenu divisé. L’emploi de cette tactique se remarque au cours des trois phases par lesquelles il fit passer la fondation de l’Empire, — soit quand il en posa le principe (septembre 1870), — soit quand il en débattit la constitution (novembre), — soit enfin quand il en arrêta la forme et le titre (décembre).

L’unité germanique représentait dans sa pensée l’un des buts principaux de la guerre et devait en être la conclusion nécessaire. Au début de 1870, elle n’existait encore que sous la forme incomplète d’une confédération restreinte, comprenant les États situés au Nord du Mein, placée sous la présidence du roi de Prusse, et à laquelle les quatre États du Sud, restés isolés, n’étaient unis que par des alliances militaires conclues pour le temps de guerre. C’était ce lien temporaire qu’il s’agissait de transformer en subordination permanente à la Prusse. Le Grand-Duc de Bade s’y montrait disposé parce qu’il était le gendre de Guillaume Ier et celui de Hesse s’y résignait en raison de sa faiblesse. Mais la catholique Bavière et le démocratique Wurtemberg répugnaient à toute idée d’aliéner une