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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/929

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de Mittnacht, dont les sentiments particularistes étaient tempérés par cette conviction que pour son pays l’indépendance sans protection représentait une situation intenable. Il se laissa persuader sans peine que le meilleur moyen d’en sortir était d’aller examiner à Versailles sous quelle forme pourrait être réalisée l’union du Nord et du Sud. Sa décision fut aussitôt communiquée, pour avis, aux membres du cabinet bavarois (13 octobre) dans une lettre où Bismarck leur demandait négligemment s’ils ne jugeraient pas à propos de l’imiter, mais sans paraître attacher d’importance à leur réponse. Plus impressionnés par cette indifférence affectée que par une invitation pressante, ils l’attribuèrent aux intrigues des Wurtembergeois, désireux de se tailler, en leur absence et à leur détriment, une situation privilégiée dans l’Allemagne réorganisée et ne virent d’autre moyen de parer le coup que d’accourir en hâte à Versailles (23 octobre) ; Mittnacht les y avait précédés et ils devaient y être rejoints par les Badois et les Hessois.

Bismarck avait donc réussi à réunir auprès de lui les ministres des quatre États du Sud dans l’intention publiquement annoncée d’établir les bases d’une grande Confédération allemande. Mais ce premier succès moral devait se retourner contre lui, s’il n’arrivait pas à les faire souscrire à ses conditions. Ce fut contre les représentants de la Bavière et du Wurtemberg, les plus rebelles à ses projets, qu’il tourna d’abord toutes les ressources de sa diplomatie. Il s’efforça de traiter séparément avec les uns et les autres, de manière à prévenir leur entente, et d’exciter leurs jalousies mutuelles pour provoquer entre eux une sorte de surenchère dans leurs concessions au principe unitaire. L’emploi de cette méthode, dans laquelle il était passé maître, ne répondit pas cette fois à ses espérances et faillit échouer contre d’insurmontables préventions.

La Bavière se déroba la première. Son représentant, Bray, était arrivé à Versailles, au dire d’un de ses collègues, avec la mine d’un enfant qui s’avance pour recevoir une gifle. » Pressé de faire connaître les idées de son maître sur la future constitution de l’Allemagne, il les exposa avec une clarté qui cette fois ne laissait rien à désirer, sous la double forme d’un programme négatif et d’un programme positif. Ce qu’il repoussait, c’était l’entrée de la Bavière dans les cadres de la Confédération du Nord ; ce qu’il acceptait pour elle, c’était