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l’ardent soldat qui l’avait conduite l’eût volontiers poussée plus loin. Mais le sage Pétain estimait qu’improvisée, l’opération, en se poursuivant, pouvait coûter plus cher qu’elle ne rapporterait, Foch, de son côté, savait où se devaient dépenser dans un dessein plus utile nos réserves encore restreintes. L’Allemand n’était pas au bout de ses attaques ; le général en chef, par ailleurs, ne perdait pas de vue son constant projet d’offensive sur la Somme. A la droite d’Humbert, les Allemands attaquaient la 10e armée, la forçaient à un léger repli sur la ligne Amblony-Saint-Baudry-Cœuvres-Saint-Pierre-Aigle. C’était déjà beaucoup qu’on eût arrêté l’offensive sur le Matz par une fougueuse riposte ; celle-ci restait un expédient de bataille et n’était susceptible d’aucun développement. Chacun coucha sur ses positions. Le général Mangin était appelé au commandement de la 10e armée où son ardente activité allait trouver à s’employer sur de plus vastes plans. Et la bataille, de part et d’autre, s’affaissa.


On eut, de part et d’autre aussi, l’impression que, quoi qu’il eût gagné quelque terrain encore, l’Allemand avait, cette fois, essuyé un échec. Son objectif minimum n’était même pas atteint et ce n’était rien à côté de l’effet moral qu’avaient eu, et la résistance, même relative et partielle, de l’armée Humbert et l’attaque heureuse du groupement Mangin. Notre pays, — chacun s’en souvient, — en avait tressailli : les Allemands eux-mêmes se sentirent un instant inquiets de l’avertissement. Plus d’un eût contresigné la lettre où un de leurs compatriotes découragé écrivait mélancoliquement, le 2 juillet : « Les Français ne sont pas des Russes, » et, gémissant sur les pertes, ajoutait : « Toute l’Alsace-Lorraine ne vaut pas un tel prix. »


LOUIS MADELIN.