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Un autre fait contribue à l’accélération des transports : c’est la substitution à la traction animale ou humaine de la traction mécanique ; les tanks eux-mêmes ont été employés à traîner des rames de péniches, mais c’est surtout sur l’équipement électrique des canaux qu’il faut compter pour faciliter la navigation, étant donné que le courant sera reçu à la sortie des turbines. A cet effet, le Parlement discute un projet de loi sur l’utilisation de l’énergie hydraulique dont nous avons fait trop peu de cas jusqu’ici.

Toutes ces améliorations coïncident avec l’élévation du prix du charbon et du coût de la tonne kilométrique par fer, consécutive à la réduction de la journée de travail à 8 heures. Dans le discours qu’il a prononcé au Sénat, le 17 juin, M. Loucheur n’a pas caché les conséquences graves de la réduction de la journée de travail dans les mines. En évaluant la tonne à 70 francs, on peut estimer les sacrifices pécuniaires que nous aurons à faire pour couvrir les frais de notre consommation à 1,800 millions. La disette du charbon est grande partout ; elle sévit dans le monde entier ; elle était facile à prévoir. La France supporte tout particulièrement le poids de ce déficit, car nous sommes déjà tributaires de l’étranger pour plus de 40 millions de tonnes. « Il faut trouver des combustibles de remplacement, a dit M. Loucheur ; nous devons faire l’aménagement de nos chutes. » Bien des causes favorisent donc la renaissance de la navigation fluviale. L’eau fut la première force que l’homme sut utiliser. Le roulement des locomotives et le ronflement des locomobiles ont couvert le tic-tac des moulins qui, depuis si longtemps, troublait l’écho des vallées. Nous venons de connaître le siècle du charbon, qui ternit l’azur du ciel, et dont la fumée noire souille les alentours ; mais l’eau va prendre sa revanche. Elle présente sur la houille bien des avantages, comme source d’énergie. Point n’est besoin de l’arracher péniblement aux entrailles de la terre, elle ruisselle à la surface du sol et a cette supériorité d’être un chemin qui marche. Puissions-nous entrer dans le siècle de « la houille blanche, » dont les ondes, fécondant la glèbe, répandent partout la fraîcheur, et dont la buée légère ne salit pas !